A Roubaix, des jeunes fabriquent des masques Anti-Fashion

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    A Roubaix des jeunes de 18 à 25 ans en situation précaire ou en décrochage scolaire confectionnent des masques de protection. Accompagnés par l’association Anti-Fashion, ils participent à l’effort national, pendant le confinement.

    « Je me fais vanner par mes potes – qui me disent que je suis le “ sauveur de la France ! ” – mais je suis fier de participer à quelque chose de grand et de solidaire comme ça. Je me sens utile, c’est une sorte d’achèvement, » confie Paul Xoumpholphakdy au téléphone. Depuis le jeudi 26 mars, cet habitant de Roubaix de 23 ans coud des masques de protection. Kaizen l’avait rencontré en 2019, alors qu’il suivait un atelier d’upcycling, soit l’art de créer des vêtements en valorisant des chutes de tissus et des fripes, animé par cette association. Fondée en 2015 par Stéphanie Calvino, alors consultante pour l’incubateur La Maison Mode Méditerranée à Marseille, Anti-Fashion lutte contre la mode jetable (la “ fast-fashion ” (1) en anglais). La structure dispense notamment une formation, autour des métiers du textile et plus largement de la création, destinée à des jeunes de 18 à 25 ans en situation précaire ou en décrochage scolaire à Roubaix et Marseille.

    « Une semaine seulement après le confinement, se souvient Stéphanie Calvino, la mairie de Roubaix a mis du tissu à la disposition de notre association pour que les jeunes puissent confectionner, bénévolement, des masques lavables destinés aux aides-soignants. » De format chirurgical, le prototype se composait d’une face en coton et d’une autre en polyester avec un filtre au milieu et des élastiques de part et d’autre. La fondatrice d’Anti-Fashion avait appelé un à un les 25 élèves qui étaient confinés chez eux pour leur proposer de prendre part à ce projet. Onze s’étaient portés volontaires, dont Paul Xoumpholphakdy : « Je m’ennuyais tellement. Je jouais à des jeux vidéo, je mangeais, je dormais. J’attendais que le temps passe. » Comme les autres jeunes, il a reçu une machine à coudre et du tissu au domicile de sa mère, chez qui il habite avec son petit frère. À charge pour Stéphanie Calvino de récupérer les masques que les jeunes déposaient devant le seuil de leur porte et de les livrer à Loïc Trinel, directeur de l’office du tourisme de Roubaix. Au cours des deux premières semaines, une centaine d’exemplaires avaient été fabriqués. « J’avais bien conscience que c’était dérisoire par rapport aux besoins, remarque la fondatrice d’Anti-Fashion, mais il y a une telle pénurie. » Alors, comme le colibris, chacun fait sa part.

    Objectif des millions de masques

    À cette chaine de solidarité est venu s’ajouter un nouveau maillon avec Christophe Lépine. Début avril, le créateur de Bleu de Paname, une marque de textile “ 100 % fait en France ”, a demandé à Anti-Fashion de rejoindre le projet Résilience. Lancée le 30 mars par le gouvernement, cette initiative consiste à coudre, en urgence, des millions de masques de protection lavables. « Le modèle est beaucoup plus simple à réaliser, observe Stéphanie Calvino, car il n’y a qu’une matière, du polypropylène, et pas de plis puisque le patron est en forme de bec de canard. » Principaux destinataires : Les services publics (gendarmerie, administration pénitentiaire, travailleurs sociaux, etc.), les entreprises des secteurs prioritaires (agro-alimentaire, énergie, eau, déchets, etc.) ainsi que les associations de soutien aux plus démunis (Aurore, Emmaüs, Armée du Salut, ou SAMU social). Si les entreprises de la filière textile réparties sur l’ensemble du territoire français sont mobilisées, d’autres structures, spécialisées dans l’insertion ou le handicap, participent à ce projet Résilience.

    C’est ainsi que l’association Anti-Fashion a intégré un atelier textile professionnel roubaisien qui a repris son activité à cette occasion. Les treize jeunes apprentis qui se sont portés volontaires sont rémunérés au Smic, à raison de 35 heures hebdomadaires. Munis de leur attestation de sortie professionnelle, ils arrivent masqués à l’atelier. Après s’être lavé les mains, ils prennent place devant les machines à coudre espacées d’1,50 mètre les unes des autres. « La commande qui nous a été adressée s’élève à 2 millions de masques. Pour l’instant, notre cadence est de cent masques à l’heure, » précise Stéphanie Calvino. Pour la fondatrice d’Anti-Fashion, « cette parenthèse est comme une thérapie pour les jeunes. » Paul Xoumpholphakdy fait écho à ses paroles : « Tout le monde en a marre du confinement. C’est normal. Mais si on regarde le bon côté des choses, ça nous force à prendre soin de nos proches. Et puis, grâce à Anti-Fashion, nous, on montre que les jeunes ne sont pas individualistes et qu’ils ne pensent pas qu’à s’amuser. On est même parmi les rares Français à travailler ! »

    Texte : Aude Raux

    (1) Cette expression d’origine anglaise désigne le renouvellement très rapide des collections vendues à un prix peu élevé. La stratégie commerciale vise à inciter les clients à acheter régulièrement de nouveaux vêtements.

     

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