Adolescents engagés et justice réparatrice au Forum social mondial

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    Pour cette troisième journée au 12e Forum social mondial, en direct de Montréal, rencontre avec un groupe de jeunes engagés et des acteurs d’une justice qui répare, pour que nous retrouvions le goût de vivre tous ensemble.

    © Pauline Cabirol
    © Pauline Cabirol

    Montréal, jeudi 11 août 2016. Il est 16 heures. Des adolescents se regroupent près d’une pancarte qui annonce : Concertation jeunesse. Tarek, facilitateur de cet espace par et pour les jeunes ouvre l’échange avec un tour de table. Ils s’appellent Émile, Fatou, Albert, Salsabi. Ils ont 14, 15 ou 18 ans. Ils viennent du Canada, de la République démocratique du Congo, de Jordanie. Ils racontent leur journée, ce qu’ils ont appris, ce qui les a inspirés. On improvise une traduction en anglais pour Salsabi, une jeune jordanienne. Dans son pays, elle est très engagée pour les droits humains et l’empowerment des jeunes. Le FSM, c’est aussi l’occasion pour elle de montrer qu’une femme musulmane, c’est d’abord une femme comme les autres !

    L’échange bat son plein. Albert raconte qu’il s’est rendu à l’atelier sur le Bond vers l’avant. Intéressé par ce « manifeste pour un Canada fondé sur le souci de la planète et de la sollicitude des uns envers les autres », il s’étonne cependant de ne pas entendre parler de la jeunesse. Il se rapproche des organisateurs. Leur discussion donnera naissance à la création de l’aile jeunesse du mouvement ! Godeline propose de rester en contact. Elle rêve d’un Forum de la jeunesse. Émile rappelle qu’on ne peut pas s’adresser à un jeune de 20 ans comme à quelqu’un de 50 ans. Pour autant, tous sont d’accord pour refuser une simplification du discours sous prétexte que l’on s’adresse à des jeunes. Il s’agit d’adapter la communication, mais pas de la restreindre. Les idées fusent : nous pouvons facilement trouver des modèles d’adultes inspirants. Mais où sont nos modèles de jeunes ? L’un des participants explique qu’il a écrit beaucoup de textes issus de son expérience. Mais il n’a pas trouvé de magazine jeunesse où les publier. Donna rebondit : elle cherche à donner de la visibilité aux jeunes qui s’engagent. On s’échange des contacts. Émile raconte que dans son école secondaire Ozias-Leduc, proche de Montréal, ils ont été plusieurs à demander que la cantine scolaire utilise des produits du commerce équitable. Quand ils sont allés en faire part à la cantinière, elle leur a répondu qu’elle ne pouvait pas répercuter ce coût sur les repas. Le groupe d’élèves ne s’est pas découragé. Ils sont allés parler avec la directrice et, peu à peu, une solution a émergé. Baisser le loyer demandé à la cantinière par l’école, afin de lui permettre d’acheter des produits équitables. Pour l’école, cette baisse de revenu est compensée par le fait qu’elle devient ainsi la troisième école équitable du Québec. La séance est rapidement levée quand nous nous apercevons de l’heure avancée.

    Des rencontres détenus-victimes pour aller vers la résilience

    Plus tôt dans la journée, Estelle Drouvin, coordonnatrice au CSJR, Centre de services de justice réparatrice, introduisait son atelier en nous demandant de noter sur une feuille un mot à l’évocation des mots « détenu », « victime », « justice » et « justice réparatrice ». Quand Raoul Lincourt, président du CSJR, prend la parole, il explique que « détenu » lui évoque une personne en souffrance. Victime ? Une personne en souffrance. Et la justice réparatrice ? Des êtres souffrant qui s’entraident pour s’en sortir. C’est ce qui, pour lui, après quinze ans d’animation de ces rencontres, qualifie le mieux la justice réparatrice.

    « On nous parle de vivre-ensemble, explique Laurent Champagne, aumônier à la prison d’Archambault, au Québec, mais le fond de la question n’est-il pas de bien vivre ensemble ? Un acte violent brise le lien social. Les rencontres détenus-victimes permettent de le réparer, ensemble. C’est une démarche gagnant-gagnant qui fait se rencontrer les participants dans leur humanité. » Le principe ? Accompagnés et longuement préparés, détenus et victimes raconteront, tour à tour, leur vécu de ce qu’ils ont commis ou subi comme acte violent. Puis, ils parleront de la chaîne des conséquences que cet acte a eues dans leur vie. Enfin, la dernière étape invite à penser des gestes de réparation. Processus en sept rencontres, volontaires et confidentielles, qui permettent d’ouvrir une voie à la résilience. « La volonté d’aller jusqu’au bout permet d’assister à quelque chose d’extraordinaire : une ouverture insoupçonnée, une empathie à la souffrance humaine même si celle-ci est ressentie par un agresseur. Dès lors, l’agresseur n’est plus une bête, un monstre, un démon, il devient humain », témoigne J. – victime d’inceste.

    Eduardo Galeano, écrivain et journaliste uruguayen, écrit dans Paroles vagabondes : « L’utopie est à l’horizon. Je fais deux pas en avant, elle s’éloigne de deux pas. Je fais dix pas de plus, et comme l’horizon, elle s’éloigne de dix pas. Aussi loin que je puisse marcher, je ne l’atteindrai jamais. À quoi sert l’utopie alors ? À cela : elle sert à avancer. » Et Victor Hugo d’ajouter dans un hier lointain : « L’utopie, c’est la réalité de demain. » Et si demain était déjà aujourd’hui ?

     

     

    Pauline Cabirol

    © Kaizen, construire un autre monde… pas à pas

     


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