Changement d’heure : En 2023, quel impact énergétique ?

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    En France, cette année encore, le passage à l’heure d’été aura lieu. Dimanche 26 mars 2023 au matin, nos appareils numériques indiqueront une heure de plus et le temps universel restera réglé, lui, sur l’heure solaire. Instauré à l’origine pour économiser l’énergie, souvent remis en question, malgré l’annonce en 2019 par l’UE de la fin de son obligation légale, le changement d’heure perdure. Pour quels bénéfices ?

    Depuis 1916, environ 70 pays dans le monde changent d’heure deux fois par an – à l’arrivée des beaux jours et au début de l’automne – afin de profiter de plus d’ensoleillement et d’économiser l’énergie. Votée en France pour la première fois en 1917, passée à deux heures de décalage horaire sous l’occupation en 1940, puis abandonnée à la libération en 1945, cette loi fut rétablie en 1976 à la suite du choc pétrolier de 1973.

    Faisant face chaque année aux débats récurrents de beaucoup de pays sur la nécessité de maintenir ou non cette pratique, l’Union Européenne a fini par voter, en 2019, la fin du changement d’heure obligatoire : les États membres étaient censés décider s’ils souhaitaient rester à l’heure d’été ou à l’heure d’hiver avant 2021. Mais en raison des retombées du Brexit et de la pandémie de COVID-19, les négociations ont pris du retard et la réforme a été mise en pause.

    Aujourd’hui, les sujets de tension continuent de secouer notre société et appellent à de nouveaux modes de consommation de l’énergie. Mais quels sont les bénéfices réels du passage à l’heure d’été ?

    Si l’idée de perdre du temps de sommeil n’est pas toujours réjouissante, l’augmentation de luminosité en fin de journée présente quelques avantages sanitaires et économiques non négligeables. Le but de ce changement d’heure est en effet de faire correspondre au mieux les heures d’activité avec les heures d’ensoleillement pour limiter l’utilisation de l’éclairage artificiel, comme le rappelle le site du Service public.

    Selon Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur, cette mesure reste utile, surtout en ces temps de sobriété énergétique : « Je rappelle que ç’a été fait pour économiser de l’énergie, et tout ce qui économise de l’énergie est bon », plaidait-il sur la chaine LCI en octobre 2022.

    Quel bilan ?

    Pour le commissaire européen au marché intérieur, il est donc important de « maintenir ce petit effort » au moins le temps de la crise énergétique. Mais quel est réellement l’impact de cette mesure, et pour quel bilan aujourd’hui ?

    De fait, les données scientifiques montrent que les économies sont souvent marginales, et l’argument mis en avant en 1976, selon lequel il permet de faire des économies d’énergie, ne semble plus vraiment tenable.

    En 1976, après le choc pétrolier, ce rituel visait en effet à limiter l’utilisation de l’éclairage artificiel. Or, selon l’étude d’évaluation des impacts énergétiques du régime d’heure d’été réalisée en 2009 par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), le changement d’heure aurait permis jusque-là « des économies d’énergies et de CO2 réelles, mais modestes ».

    En 2017, l’évaluation de l’impact du changement d’heure de l’EPRS (Service de recherche du Parlement européen) tirée des résultats d’études scientifiques, confirmait : en Europe, les économies sont estimées entre 0,5% et 2,5% selon les pays.

    Pour l’Ademe, le principal intérêt du changement d’heure est lié à l’éclairage : « Sans ce passage à l’heure d’hiver, les foyers devraient s’éclairer jusqu’à 10h tous les matins. On gagne donc une heure de lumière naturelle ».

    D’après l’agence, cela représenterait un gain de 440 GWh par an – soit l’équivalent de la consommation en éclairage de la ville de Marseille avec son agglomération et Aix-en-Provence. Des chiffres comparables aux économies que prévoyait de faire Enedis, en décalant l’allumage automatique des ballons d’eau chaude cet hiver. L’Ademe conclut  que le changement d’heure, s’il est désapprouvé par 84% des Européens, s’inscrit toutefois dans un ensemble de mesures permettant de limiter la consommation énergétique et de lutter contre le réchauffement climatique.

    Pourtant, d’autres études ont affirmé que l’impact du système est presque nul : si le Soleil se couche plus tard et que l’utilisation d’électricité diminue en fin de journée, plus d’énergie est nécessaire pour s’éclairer le matin. D’autre part, les technologies d’éclairage sont devenues de plus en plus performantes, et les ampoules à faible consommation de moins en moins énergivores : désormais le changement d’heure ne permettrait plus qu’une économie de 351 GWh. Soit 0,07% de la consommation totale.

    Au sein de l’étude de 2017 du Parlement européen, les conclusions des eurodéputés sont sans appel : « Si l’heure d’été est bénéfique au marché intérieur, notamment le secteur des transports, et aux activités de loisirs, [le changement d’heure] génère des économies marginales de consommation d’énergie et l’impact sur les autres secteurs économiques est en grande partie peu concluant. »

    Ce à quoi l’Ademe répondait en 2020 que même si cette économie ne représente qu’1% des 513.000 GWH dépensés annuellement, malgré tout le gain persiste, en prévoyant que le bénéfice serait encore de 340 GWH par an à l’horizon 2030.

    Arguments écologiques

    Face à cela, certains continuent de prôner la cessation du changement d’heure, mettant en avant des arguments clairement écologiques.

    Selon l’ACHED (Association Citoyenne pour une Heure Équitable et Durable) : « La réalité la plus probable est que l’avancement de l’heure de 2 heures actuel est très énergivore et l’a toujours été : Par rapport à l’heure fixe simple UTC+1, iI y a augmentation des postes de chauffage le matin, de climatisation le soir, et de voiture pour les loisirs le soir. C’est encore plus vrai par rapport à un système d’heure d’été simple et un système d’heure fixe UTC+0″.

    L’ACHED poursuit en arguant que sur le plan climatique, les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont augmentées de plusieurs façons par l’heure avancée : augmentation du chauffage et de la climatisation supérieure aux économies d’éclairage, augmentation du transport en soirée et du recours à la voiture en journée, augmentation générale de la consommation : on consomme plus si l’on dort moins.

    Compte tenu des alertes fréquentes à la pollution atmosphérique en situation de canicule, la réduction de l’avancement de l’heure française devient une priorité indiscutable, conclut l’association.

    Au regard de chiffres qui ne permettent pas de trancher, ces controverses nous éclairent partiellement sur les économies d’énergie réelles générées par le passage à l’heure d’été en France. Un constat mitigé qui nous rappelle, en pleine période de crise énergétique, qu’un changement à grande échelle ne pourrait se mesurer qu’avec une politique globale et quotidienne de  sobriété.

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    A l’origine, une campagne contre « le gaspillage de la lumière »

    Benjamin Franklin, l’essayiste, naturaliste et homme politique américain, évoquera pour la première fois, le 26 avril 1784 dans le Journal de Paris, la possibilité de décaler les horaires afin d’économiser l’énergie. Ce qui n’était au départ qu’un canular sera repris à partir de 1907, par l’entrepreneur et industriel Britannique William Willett, dans une campagne contre « le gaspillage de la lumière ».

    L’Allemagne sera ensuite la première à instaurer le changement d’heure, en 1916, rapidement suivie par le Royaume-Uni puis par la France, où il sera institué par une loi votée le 19 mars 1917.

    En 1940, sous l’Occupation, la France pratique l’heure d’été en différenciant les zones libre et occupée : il faut alors ajouter deux heures en été par rapport à celle de Greenwich et une seule en hiver (système actuel). À la Libération, l’heure d’été est abandonnée par le Gouvernement provisoire, le 14 août 1945, mais le décalage d’une heure est maintenu.

    Le 28 mars 1976, à la suite du choc pétrolier de 1973, l’heure d’été est rétablie pour effectuer des économies d’énergie en réduisant les besoins d’éclairage en soirée. La mesure devait être provisoire, mais depuis, le passage à l’heure d’été a lieu le dernier dimanche de mars à 2 heures du matin.

    Depuis 1976, le décalage par rapport à l’heure solaire en France est donc d’environ une heure en hiver et de deux heures l’été : on parle parfois d’« heure d’été double ».

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