Des micromagasins chez l’habitant

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    Imaginez un magasin bio accessible 24 heures sur 24 en bas de chez vous. Un rêve ? Une réalité pour 150 foyers lyonnais qui disposent d’un micromagasin à domicile. Une idée développée par l’épicerie 3 ptits pois. Quand les clients se font consommac’teurs…

    Consommer autrement

    Sur la terrasse de Leila, le livreur de 3 ptits pois dépose un sac de 25 kg de pâtes bio, un bac de farine en vrac, une dizaine de paquets de café, deux caisses de bières, 50 rouleaux de papier toilette écolo… Comme tous les mois, le micromagasin de Saint-Just – un quartier de Lyon excentré sur la colline de Fourvière – fait le plein. Plusieurs voisines sont là pour réceptionner les marchandises et les disposer sur les étagères installées à l’entrée de l’appartement de Leila.

    À l’automne 2010, cette quinquagénaire à l’énergie communicative, professeure de yoga et de piano, a proposé à son voisinage de transformer le vestiaire de sa salle de yoga en micromagasin. Vingt foyers des rues adjacentes se sont lancés dans l’aventure et viennent désormais se servir à toute heure du jour ou de la nuit. Une aubaine, dans ce quartier qui ne compte aucune épicerie bio ! Chacun note ce qu’il prend au quotidien et règle la totalité de ses courses à la livraison suivante.

    Certains sont devenus accros au micromagasin au point de ne plus faire leurs courses ailleurs. À commencer par Leila, qui ne se sert qu’ici et au marché pour les produits frais. En deux ans, Séverine, sa voisine d’immeuble, a délaissé les supermarchés et totalement modifié sa façon de consommer.  « Dans les grandes surfaces, j’anticipais sur mes besoins et j’achetais trop. Ici, je ne prends que le nécessaire. Et je ne manque de rien. Si des invités débarquent un soir à l’improviste, je n’ai qu’un escalier à descendre pour faire mes courses », explique cette mère de deux enfants devenue une adepte du quinoa, découvert sur les étagères du micromagasin.

    Une idée généreuse

    Une initiative peu banale proposée par Olivier Bidaut et Julien Weste, deux jeunes Lyonnais inventifs et militants. En 2010, ils montent l’épicerie bio 3 ptits pois au centre ville et proposent en parallèle à leurs clients éloignés de créer des micromagasins chez eux. Leur devise est drôle et ambitieuse : « Un ptit pois pour moi, un grand pas pour l’humanité ! »

    Derrière la formule, une réalité. « Tous nos produits sont bio et essentiellement d’origine locale, explique Olivier. Nous achetons directement aux producteurs la plupart du temps, avec une règle de base : nous ne négocions pas les tarifs. On estime que le prix demandé est le prix juste. Cela permet d’établir une relation de confiance avec nos fournisseurs. Comme on souhaitait aussi pratiquer des tarifs accessibles pour inciter la population du quartier à passer au bio, on a décidé de pratiquer une marge faible (25 %) et de parier sur les volumes pour parvenir à gagner notre vie. »

    Une démarche transparente qui vise à changer la relation entre clients, producteurs et consommateurs. En un an, ils trouvent l’équilibre et se dégagent un premier salaire. S’ils réalisent 95 % de leur activité à l’épicerie, les micromagasins leur permettent de se faire connaître à l’extérieur et de satisfaire une clientèle qui n’achèterait sans doute ni bio ni local, faute de commerce de proximité adapté.

    Un lieu de partage

    On l’a compris, le système repose sur la confiance et l’honnêteté. Et surprise, ça marche ! 3 ptits pois n’a jamais constaté de vol ou de défaut de paiement majeur dans ses micromagasins. Tout juste quelques petites erreurs de calcul ou des différences dues à une légère perte de marchandise renversée au moment des pesées. « Il revient au groupe de régler ces défauts de fonctionnement. Le but est de rendre nos clients les plus autonomes possible. Ils doivent notamment s’assurer du bon roulement des produits pour éviter de dépasser les dates de péremption », explique Paul Martin, responsable de l’approvisionnement des micromagasins.

    Chaque groupe apprend ainsi à s’organiser. Les personnes qui adhèrent au dispositif sont conscientes qu’un tel lieu ne fonctionne que si tout le monde s’investit. « Chacun apporte ses compétences, son temps libre, ses bras, ses notions d’informatique… explique Leila. Pour les grandes décisions, on organise des réunions ou des pique-niques. C’est l’occasion d’aplanir les inévitables tensions. Le groupe est toujours parvenu à les résoudre, car chaque membre a envie que l’expérience continue et a pour cela besoin des autres. Le collectif l’emporte. »

    Rencontrer la rue

    L’expérience est très riche sur le plan humain. C’est même parfois ce que les gens recherchent en premier. « Je ne dépense guère plus de 25 euros par mois au micromagasin car je travaille déjà dans une épicerie, témoigne Bénédicte, nouvelle dans le quartier. Mais cela m’a permis de rencontrer toute ma rue dans un cadre très agréable. Quand on vient chercher un kilo de sucre à 21 heures, il n’est pas rare de croiser dans le local quelqu’un qui se dépanne en chocolat pour faire un gâteau. La conversation s’engage facilement. On a commencé à mettre des livres à disposition de tous et j’aimerais monter des petits ateliers de diététique. » Cette nouvelle façon de consommer crée du lien social. Et le micromagasin peut devenir un vrai lieu d’échanges, bien au-delà de sa simple fonction nourricière.

    Comment créer un micro magasin ?

    – Constituer un groupe, composé au moins d’une vingtaine de foyers qui s’engagent à consommer régulièrement des produits bio pour assurer un volume de commandes suffisant.

    – Trouver un lieu de stockage accessible à tous : une grosse armoire sur un palier, une cave ou un grenier, un local fermé dans un immeuble, le garage d’une maison… Chaque membre du groupe doit disposer d’une clé pour accéder aux denrées. Côté aménagement, quelques étagères de récupération et une balance pour peser le vrac suffisent. L’investissement est minime.

    – Se réunir pour évaluer les besoins mensuels du groupe avant de passer commande parmi un millier de produits référencés à l’épicerie. 3 ptits pois vient alors livrer gratuitement les marchandises. Pour des raisons de conservation, on ne trouve que du sec (pâtes, riz, farine, sucre, céréales, huile, conserves…), des produits de toilette et d’entretien. Les prix affichés sont les mêmes qu’à l’épicerie. Chacun consomme ensuite ce qu’il souhaite en notant sur un cahier ce qu’il a pris. À la fin du mois, un membre du groupe calcule la somme due et fait le point sur ce qui manque par rapport aux besoins estimés. Il passe une nouvelle commande par téléphone ou internet. Lors du passage suivant, le livreur de 3 ptits pois récupère les chèques de chaque foyer.

    Les limites du système

    – Les volumes : après deux ans d’expérience, 3 ptits pois va fermer ses micromagasins trop « micro »… Certains ne consomment en effet qu’une centaine d’euros par mois, là où il faudrait dix fois plus pour rentabiliser la livraison.

    – La facturation : jusqu’à présent l’épicerie établissait une facture pour chacun des 150 foyers, parfois pour une dizaine d’euros seulement ! Une activité terriblement chronophage. Désormais 3 ptits pois n’établira plus qu’une seule facture par micromagasin. Il appartient aux groupes de s’organiser pour réunir la somme due.

    – La gestion des stocks : chaque micromagasin disposant de ses propres réserves, 3 ptits pois devait faire face à d’importants trous de trésorerie, car n’était payé que ce qui était consommé. L’épicerie a demandé cet automne aux groupes qui souhaitaient conserver leur micromagasin de devenir des groupements d’achat et de commander des volumes plus importants. La farine par exemple ne sera plus livrée qu’en sacs de 25 kg (ou avec une majoration de 10 % du prix en cas de conditionnement plus petit). Chaque produit commandé devra être réglé le mois suivant, même s’il n’a pas été totalement consommé.

    En contrepartie, 3 ptits pois s’engage à faire bénéficier ses clients de ristournes en fonction des volumes commandés. L’épicerie espère ainsi atteindre environ 10 000 euros de chiffre d’affaires par micromagasin. Reste à savoir si leurs clients sont prêts à franchir le pas de l’autogestion. Certains ont déjà dit non. Mais de nouveaux groupes plus importants pourraient voir le jour (jusqu’à cinquante foyers) dans des communes voisines.

    Contact

    3 ptits pois
    59, rue Chevreul, 69007 Lyon

    Tél : 09 54 18 54 64

    Mail : contact@3ptitspois.fr

    Site internet : www.3ptitspois.fr

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