Jeudi 20 juillet 2017, le gouvernement d’Édouard Philippe lançait les États généraux de l’alimentation. ONG, paysans, agriculteurs et militants se mobilisent pour débattre et faire entendre leur voix sur le modèle agricole de demain. Françoise Vernet, présidente de l’association Terre & Humanisme, Spécialisée dans la diffusion de l’agroécologie, est au cœur de ces échanges. Rencontre.
Qu’est-ce que les États généraux de l’alimentation ?
C’est une consultation publique lancée par le gouvernement le 20 juillet dernier. Quatorze ateliers thématiques prendront place entre fin août et fin novembre un peu partout en France. Ils aborderont notamment les questions de la production agricole et du passage à une alimentation plus saine et durable. Ces ateliers regrouperont divers acteurs, aussi bien des ONG et des paysans, que des sociétés de transformation et des distributeurs. Une consultation publique sur Internet a aussi été mise en place. L’objectif est d’aligner la prochaine politique agricole du gouvernement avec les exigences sociales, environnementales et sanitaires de demain.
Mardi 25 juillet 2017, une quarantaine d’ONG, dont Terre & Humanisme, se sont réunies pour se concerter. Qu’en est-il ressorti ?
La volonté de travailler ensemble. Les quarante-quatre ONG ne pourront pas assister à chaque atelier faute de place. Les membres présents parleront donc au nom du collectif. Nous allons aussi écrire un courrier de synthèse qui résumera nos échanges et qui sera envoyé lundi 31 juillet au gouvernement. Nous voulons faire savoir que nous, associations environnementales, de solidarités internationales et paysannes, nous sommes regroupées pour faire entendre notre vision, informer et mobiliser la société civile. Nous craignons néanmoins que cette consultation publique soit isolée et que son contenu ne soit pas pris en compte par le gouvernement. Mais c’est l’occasion de communiquer sur ces sujets, en prenant en considération les nouvelles solutions possibles, telles que l’agroécologie et la permaculture.
Quelle part la bio peut-elle prendre dans l’agriculture française à l’issue de ces États généraux ?
Actuellement, les aides sont en train d’être revues à la baisse. Une pétition de l’association Agir pour l’environnement est d’ailleurs en cours. Une lettre ouverte de Stéphanie Pageot, présidente de la FNAB [Fédération nationale d’agriculture biologique des régions de France], a été adressée le 27 juillet à Emmanuel Macron pour appeler au maintien des subventions.
Terre & Humanisme œuvre pour l’agroécologie. Comment allez-vous faire pour mettre cette dernière au cœur des débats et de la politique agricole ?
Nous allons faire intervenir des paysans spécialisés en agroécologie lors des ateliers. Ils viendront expliquer leurs modes opératoires, qui sont respectueux de l’environnement et donnent des résultats économiques suffisants. Ensuite, pour nous, la politique agricole est égale à des aides, qui sont égales à la dépendance. Ce n’est pas notre objectif. Dès la rentrée, nous allons prendre la parole dans les médias pour définir l’agroécologie et la rendre concrète. Nous participerons à des conférences et créerons des liens avec les acteurs de l’agriculture paysanne, des semences, de l’agroforesterie…, pour être plus forts.
Quelles priorités se sont fixées les ONG pour ces États généraux ?
Travailler pour que des questions fondamentales comme la santé, le changement climatique, la préservation de l’environnement marin, les droits sociaux des paysans et la répartition du foncier soient intégrées. Par exemple, aujourd’hui, de jeunes agriculteurs n’arrivent pas à avoir accès à des terres. Il faut trouver des moyens de rendre possible leur installation, car tout le monde n’est pas issu d’une famille de paysans. Il ne faut pas oublier également que les politiques agricoles appliquées dans le nord ont une incidence sur ce qui se passe dans les pays du Sud. Aujourd’hui, les tomates qui arrivent de Hollande en Afrique de l’Ouest coûtent moins cher que celles qui sont produites sur place. Nous devons raisonner à un niveau plus global.
Enfin, il faut surtout qu’on arrête de ne regarder que la dimension économique du problème. Ce sont aussi des questions environnementales. Comment prend-on soin de la Terre et de la biodiversité ? Comment faire pour que de bonnes conditions sanitaires soient pérennes, que les gens vivent de manière décente ? Il y a un suicide de paysan tous les deux jours en France. C’est un chiffre énorme et on en parle assez peu. C’est une des professions les plus sinistrées.
Nous nous réunissons à nouveau à la fin du mois d’août. Il n’y a pas eu de révolution pour l’instant, mais c’est le début d’un processus.
Entretien réalisé par Gnouleleng Egbelou
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