Fermes en Vie : L’alternative sociale et écologique pour s’installer sereinement en agriculture

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    Depuis 2021, l’entreprise Fermes En Vie (FEVE), facilite l’acquisition de terres aux agriculteurs, grâce à sa foncière citoyenne et une charte agroécologique. Une initiative sociale et écologique, qui permet d’enjamber de nombreux freins.

    Donner du sens à son épargne, garantir une transmission des terres et favoriser des modes de cultures plus durables ; telle est l’essence même du concept mis en place par l’entreprise Fermes En ViE (FEVE). Créé en 2021, ce dispositif agricole actif sur toute la France se veut être un acteur clé dans la transmission des fermes. Elle propose ainsi une solution aux agriculteurs qui souhaitent s’installer mais qui rencontrent des difficultés pour acheter une exploitation.

    Et pour cause, obtenir une exploitation, n’est pas si simple. Les agriculteurs font actuellement face à des contraintes de transmission des terres et de coût d’acquisition comme l’explique Vincent Kraus, l’un des trois fondateurs de FEVE : « La difficulté est que, contrairement à ce qu’il se passait il y a 15 ou 20 ans, les exploitations sont beaucoup moins reprises par les fils et filles d’agriculteurs. Aujourd’hui, deux tiers des installations sont hors cadre familial ». À cela, s’ajoute un frein économique : « Ce sont des montants d’investissement de l’ordre de 700 000 € en moyenne », précise-t-il. Ce prix excluant le montant du matériel et du cheptel, pour ceux qui possèdent un élevage. Dans ce contexte, 220 000 fermes sont aujourd’hui menacées de disparaître en France si elles ne sont pas reprises dans les 10 ans à venir.

    Vivian Santos, agriculteur de 41 ans et originaire du Tarn-et-Garonne, a grandi dans une ferme et a rapidement su que ce milieu serait sa passion. Mais, durant son parcours, il s’est rapidement retrouvé devant un mur. « Au fur et à mesure de mon avancée scolaire, plus on discutait avec le milieu agricole plus je comprenais que s’installer et reprendre une exploitation allait être compliqué, voire impossible. »

    Ce jeune agriculteur avait réalisé quatre tentatives d’installation, toutes soldées par des échecs. Cela a commencé dans le Gers. « L’agriculteur attendait une personne qui vienne déposer le chèque, c’était juste une histoire d’argent. Il n’y avait pas de volonté de vouloir faire installer un jeune, de transmettre, de partager et de communiquer. C’étaient ses conditions, ou rien », déplore le quadragénaire. S’en est suivi trois tentatives dans l’Aveyron, région dans laquelle il y avait plusieurs exploitations vacantes. « Dès les premières tentatives, le rêve s’est transformé en cauchemar. Ce n’était pas quelque chose de concret. Entre les paroles et la réalité, il y a un monde », relate l’agriculteur. Concrètement, que se passe-t-il ? « Certains agriculteurs ne cherchent ni plus ni moins que des locataires. C’est difficile pour ces gens-là de céder un outil de travail du jour au lendemain. C’est leur précieux. Ils ont du mal à arrêter, à lâcher. Ils ne vous cèdent rien, à part le matériel et le cheptel. Ils vous louent les terres, vous louent les bâtiments, mais il n’y a pas de maison d’habitation. Il faut se loger sur le village d’à côté. C’est une problématique de sécurité, car s’il y a un problème climatique, il faut pouvoir être sur le site, au minimum. Au niveau des conditions, ce ne sont pas les vôtres, vous ne serez pas chez vous et ils auront toujours un droit de regard. Au final, leur manière de transmettre l’exploitation n’est pas viable », regrette Vivian.

    Foncière citoyenne

    Face à ces problématiques, FEVE a décidé de créer une foncière citoyenne pour financer l’achat des terres. L’entreprise identifie ainsi des fermes à vendre pour les acquérir avant de les mettre en location sous forme de bail rural classique, aux tarifs fixés par les arrêtés départementaux. « C’est quelque chose qui ne coûte pas très cher parce que les baux ruraux sont protecteurs des agriculteurs », indique Vincent Kraus. Certains agriculteurs contactent alors FEVE, après avoir identifié une ferme qui les intéresse pour les aider à financer.

    Ce parcours, Vivian Santos, l’a expérimenté, suite à une annonce proposant une exploitation agricole en location avec option d’achat. Il a ainsi contacté le dispositif Fermes en Vie en 2022 sur le site de Propriétés Rurales. Grâce à leur accompagnement, Vivian et sa femme Julie ont pu reprendre la ferme du Trey, 180 hectares basés à Parleboscq dans les Landes.

    FEVE garantit le paiement du foncier grâce à la foncière citoyenne mise en place. « On peut investir à partir de 500 €. Certains investissent 10 000 € par exemple », rapporte le co-fondateur.

    Au bout de 7 ans, une option d’achat peut être activée. « Admettons que la ferme ait coûté 100 € au départ et qu’au bout de 7 ans elle vaut 115 €, et bien le prix sera fixé à 107 €. C’est une sorte de partage entre les investisseurs de la foncière et les agriculteurs », illustre Vincent Kraus.

    Vivian se réjouit du contrat signé avec FEVE : « Pendant 7 ans, on peut se concentrer sur l’achat du matériel, puis après, si les finances le permettent, on pourra voir si l’on active l’option d’achat. C’est d’une souplesse considérable en termes de financements. Ça n’a pas de prix ! ».

    Vivian, Julie et leurs enfants (Photo : Valentin Izzo)

    « Grâce à Fermes En Vie on a pu réaliser notre rêve », Vivian.

    Une charte agroécologique

    Pour prétendre à l’aide de FEVE, les agriculteurs, comme Vivian et Julie, ont dû présenter la démarche agroécologique qu’ils comptaient mettre en place. « Nous avons opté pour un système d’agriculture de conservation des sols », explique Vivian. « Nous avons investi dans un strip-till rotatif. C’est une machine, qui, en un passage, permet de faire 4 à 5 actions : vous pouvez fissurer une bande, affiner la terre, incorporer les engrais et semer sur les lignes travaillées », raconte-t-il. Vivian et sa femme, cultivent plusieurs végétaux et souhaitent, à l’avenir, se labéliser en BIO. « Cette année, nous produisons du maïs doux, du maïs pop-corn et du tournesol. En 2024, on souhaite produire de la paille, des oléagineux, des légumineuses et des cultures d’été. Entre ces cultures-là, il est prévu l’implantation de couverts végétaux. Au fur et à mesure, on va avoir la possibilité de réduire les entrants et réduire au minimum les engrais de synthèse et éventuellement tendre vers une agriculture biologique », précise Vivian.

    « Accélérer la transition agroécologique », voilà l’objectif premier que se sont fixé les cofondateurs de FEVE, a indiqué Vincent Kraus. « La foncière ne finance que des projets ambitieux d’un point de vue agroécologique, avec une charte qu’on a défini. Celle-ci s’appuie sur le socle de l’agriculture biologique, mais pas que, car on va un peu plus loin sur différents aspects », précise-t-il. La réflexion autour de l’écologie s’est rapidement installée lors de la création de FEVE : « On s’est rendu compte que la moitié des agriculteurs partaient à la retraite dans les 10 prochaines années et qu’il n’y avait pas assez d’installations pour remplacer les personnes qui partent. Le risque derrière ça, c’est que des fermes s’agrandissent. Et en général, quand ça s’agrandit, ce n’est pas toujours le mieux d’un point de vue environnemental. Donc, on s’est dit, plutôt que d’essayer de faire changer les pratiques des personnes qui sont en place, on va plutôt essayer de favoriser des installations plus vertueuses parmi ceux qui vont les remplacer. », raconte le co-fondateur.

    Donner du sens à son épargne

    Les personnes qui investissent dans la foncière citoyenne de FEVE « donnent du sens à leur épargne », selon Vincent Kraus. « C’est quelque chose d’utile et de concret. Il y a de plus en plus de gens qui se rendent compte de l’impact potentiellement négatif, socialement et environnementalement, de leur épargne. De plus, en investissant dans le foncier agricole, ils investissent dans un actif tangible, car c’est quelque chose qui, historiquement, est assez peu volatile. C’est un investissement qui est peu risqué », ajoute-t-il. Par ailleurs, une réduction d’impôts à hauteur de 25 % du montant investi, permet d’améliorer la rentabilité.

    « Vous avez d’un côté le porteur de projet, un candidat qui souhaite s’installer, et d’un autre côté, les investisseurs, qui donnent du sens à leur épargne. C’est gagnant-gagnant. Il fallait y penser », salue Vivian.

    A ce jour, l’entreprise a pu financer 7 fermes : 5 en Nouvelle Aquitaine, une en Occitanie et une en Normandie. Cela représente « 500 hectares » de terres, se félicite Vincent. Quatre projets sont en cours de finalisation. L’objectif pour FEVE est de multiplier les projets et d’accélérer la collecte. « Jusqu’à présent, on a récolté près de 7 millions d’euros auprès de 700 personnes. Le montant, en moyenne investi, est de 10 000 €. L’objectif est de collecter 10 millions d’euros cette année pour pouvoir faire 12 projets », indique Vincent Kraus.

    Fermes en Vie offre donc une alternative intéressante pour les jeunes agriculteurs qui cherchent à s’installer et à travailler dans des conditions favorables. En utilisant une approche collaborative et écologique. Pour l’heure, l’initiative semble ravir plus d’un agriculteur.

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