Handicap ? En âne t’es cap !

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    Se promener en forêt, randonner en montagne, franchir un ruisseau d’un bond sont des moments simples… réservés aux personnes valides ; des joies inconnues pour les personnes à mobilité réduite. Aujourd’hui la Randoline et la Joëlette ouvrent à tous les portes de ces paradis naturels : L’âne montre la voie.

    Bunny attendrit tout le monde avec son oreille cassée, mais ce matin il avance le sabot sûr, le geste lent : Il emmène Evelyne sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Voilà bien longtemps qu’elle en rêvait ! Clouée sur une chaise roulante depuis 1995 suite à une maladie de la colonne vertébrale, cette randonneuse avertie (membre du Club Alpin avant son handicap), peut enfin repartir sur les sentiers. « C’est un plaisir immense, un moyen de se reconnecter à la nature. Randonner avec des amis procure une intense satisfaction, j’éprouve une joie profonde à respirer de nouveau les odeurs de la terre, à traverser des champs de tournesols, à entendre les oiseaux… ça n’a l’air de rien, mais ce sont des sensations si précieuses ! ». Ces plaisirs retrouvés, elle les doit à des âniers professionnels (loueurs d’ânes de randonnée).

    En 2006 ils ont eu envie de réunir sur les chemins des ânes et des personnes ne pouvant pas ou plus marcher en créant la randoline, un véhicule tricycle doté d’amortisseurs et de suspensions sur  les roues arrières pour atténuer les cahots du chemin. Elle permet ainsi de parcourir la plupart des chemins de randonnée. Mais la randoline n’est pas un attelage, elle n’est pas équipée de rênes : une personne librement choisie par le passager (conjoint, parent, ami) doit marcher à côté de l’âne pour tenir la longe et le guider au long du chemin. Repartir ensemble : une autre source de bonheur. La randoline présente d’autres avantages : elle offre une part d’autonomie à la personne transportée, celle-ci étant à même de piloter l’engin en utilisant les freins si nécessaire. Un emplacement a été prévu sur le véhicule pour placer le fauteuil roulant, il devient alors possible de visiter les villes et les sites touristiques le soir après l’étape. Enfin pour garantir un maximum de sécurité le passager peut à tout moment actionner une poignée de séparation d’urgence qui découple la charrette de l’âne.

     

    L’âne en tête

    Pourquoi privilégier l’âne pour tracter la randoline ? Bien que les « grandes oreilles » aient plutôt mauvaise réputation et se soient vues mis au ban dans l’imaginaire collectif, c’est  l’animal parfait pour former un binôme avec des personnes  handicapées. «  L’âne a un sens aigu de la responsabilité. A la fois protecteur et doux, il fait preuve d’un dévouement naturel pour les plus faibles. C’est un grand timide, il marche à l’affectif, et surtout il est calme, très calme ; il ne va pas faire de grands écarts quand passe un papillon ou une mouche, contrairement au cheval et au mulet, beaucoup plus sanguins. Ça rasure vraiment les personnes transportées, ça instaure un sentiment de confiance. D’autre part l’âne semble né pour tracter. A peine lui a-t-on installé le harnachement et crocheté la randoline qu’il se met seul en route avec énergie. Et il faut arrêter de dire que l’âne est têtu, il réfléchit simplement longtemps » témoigne Jacques Clouteau, voyageur au long cours en Europe avec son âne Ferdinand et initiateur du projet Randoline. Si l’âne est un élément important dans cette reconquête de liberté pour les personnes à mobilité réduite, la collaboration des âniers est tout aussi cruciale. Elle est notamment exemplaire sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle : A cette occasion l’association « Randoline Compostelle Evasion » (voir encadré) s’organise pour mettre en place un système de relais et permet aux handicapés de parcourir tout ou partie de ce chemin.

     

     

    Un peu plus… en Joëlette

    Si la Randoline est bien adaptée pour les chemins, elle montre ses limites sur les sentiers plus sinueux, plus escarpés. Heureusement la Joëlette est là ! Ancêtre de la randoline (elle existe depuis près de vingt ans), véritable machine tout-terrain, la Joëlette passe sur presque tous les sentiers grâce sa roue unique qui ne prend aucune place au sol. En revanche elle implique davantage de personnes accompagnatrices : Tractée par un âne, elle nécessite une personne tenant la longe de l’animal et une autre maintenant l’équilibre du véhicule à l’arrière. La Joëlette présente l’avantage de pouvoir être découplée de l’âne (ou de tout autre équidé) ; un équipage de cinq à six personnes est alors nécessaire, car la manipulation demande un effort physique important qu’on ne peut maintenir sur plus de quelques kilomètres. Si l’on part plusieurs jours, il faut également prévoir un véhicule d’assistance qui transporte les bagages. Avec ces deux machines, les personnes à mobilité réduite peuvent enfin recouvrer un peu de liberté. Reste aux professionnels (santé et tourisme) de s’intéresser à ces nouvelles possibilités, en adaptant les lieux d’accueil aux personnes en situation de handicap pour les uns, en sortant des sentiers battus pour les autres. « C’est souvent le seul contact avec la nature des personnes polyhandicapées, confie Sylvain Lardanchet, ânier qui accompagne ces publics en Joëlette et en randoline,  alors à nous de faire un pas ».

     

    Par Pascal Greboval 


    Le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle en randoline

    Avec l’association Randoline Compostelle Evasion, les personnes à mobilité réduite peuvent de nouveau partir sur le chemin de Compostelle, en autonomie et librement. Aujourd’hui, l’association dispose de deux randolines qu’elle met à leur disposition gratuitement au départ du Puy-en-Velay ou d’Arzacq-Arraziguet. Elle loue des ânes destinés à la traction. Le bénéficiaire peut choisir son accompagnateur (conjoint, enfants, amis…) ou demander à Randoline Compostelle Evasion si un bénévole est volontaire pour l’accompagner. L’association assure également les transports de l’âne et de la Randoline au point de départ et du point d’arrivée, le coût de rapatriement de la randoline étant à la charge de l’utilisateur. Elle propose une formation aux candidats à la randonnée pour que leurs quelques jours au pas de l’âne se déroulent au mieux.

    Aujourd’hui le chemin de Saint–Jacques-de-Compostelle est  « randolinable » sur 80% du GR 65 et 95% du Camino francés en Espagne. Pour les sections trop pentues, trop étroites ou trop cabossées, la randoline emprunte une petite route voisine.

    http://www.randolinecompostelle.com/

    http://www.chemindecompostelle.com/

     

    Où randonner avec la Randoline ?

    Douze structures disposent aujourd’hui de randolines sur l’ensemble du territoire français. La liste sur le site http://www.randoline.com/index.html

    La randoline coûte 6000 euros, l’achat par des âniers ou des associations est généralement subventionné par des organismes qui aident les personnes à mobilité réduite. La société Randoline met à disposition des futurs acquéreurs la liste des  financeurs potentiels


    Pour aller plus loin : 

    http://www.bourricot.com/index.html


    Lire aussi : 

    L’animal : un homme comme les autres ?

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