Des usagers à la reconquête de l’eau

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    Les municipalités reprennent en main la gestion de l’eau face aux dérives des entreprises.

    Tels des pavés dans la mare des multinationales, Paris, Brest, Berlin, Buenos Aires, ainsi que de nombreuses autres municipalités et agglomérations [1], reprennent en main la distribution de l’eau.

    Grenoble a donné le ton en 2000. Pour Raymond Avriller, élu Vert et administrateur de la Régie des Eaux de Grenoble de 2001 à 2008, « le prix de l’eau en gestion directe a fortement diminué (–20% à –30%) par rapport à l’ancien contrat privé. Le coût du service est stabilisé alors que les efforts d’investissements (gros entretien, renouvellement…) ont triplé. L’emploi a augmenté, les incitations aux économies d’eau sont engagées. Le service est plus transparent et sa qualité est améliorée, reconnue et certifiée. »

    Une municipalité ou un syndicat intercommunal peuvent soit gérer directement l’eau et son assainissement, soit déléguer la prestation de ce service public à une entreprise privée spécialisée. C’est ainsi que, peu à peu, à partir des années 1980, plus de 70% des municipalités françaises ont opté pour la délégation.

    Les révélations des associations de consommateurs (qui ont démontré que l’eau de service public coûte en moyenne 30% moins cher), les dénonciations de mauvaise gestion et de mauvais entretien du réseau[2], la découverte de pratiques frauduleuses (certaines ayant entrainé la condamnation d’Alain Carignon à Grenoble) remettent ce modèle en cause.

    La ville de Paris a décidé en 2010 de fusionner la production et la distribution de l’eau potable au sein d’une unique régie municipale. La gestion en était auparavant confiée à Suez et Veolia. Anne Hidalgo, adjointe au maire de Paris, y voit une garantie de gagner en efficacité, de réaliser des économies sur le coût de l’eau et d’en baisser le prix.

     

    Prévenir plutôt que guérir, l’exemple de Munich

    Les agences de l’eau françaises dépensent plus de 100 millions d’euros par an pour dépolluer les eaux brutes. Le programme d’éradication des algues vertes en Bretagne a déjà engagé plus de 500 millions d’euros sans parvenir à obtenir des résultats probants. Une étude de l’INRA montre qu’en 1995, la seule diminution du taux de nitrates en deçà du seuil autorisé coutait 0,27 euros par m3 d’eau distribuée, soit 15% du prix final de l’eau. Ce montant ne fait qu’augmenter. Malgré cela, la France s’enferme dans des traitements palliatifs qui n’améliorent pas l’état des ressources en eau.

    La ville de Munich, en Allemagne, prouve pourtant depuis longtemps qu’il est bien moins onéreux de mener une politique de prévention. Pourquoi dès lors ne pas s’en inspirer ?

    Le service municipal de gestion de l’eau de Munich achète des terrains de son bassin versant depuis le début du XXe siècle pour les reboiser et ainsi protéger ses ressources en eau.

    En dépit de cette politique de prévention, le service des eaux constate à partir des années 1960 une prolifération constante de polluants dans les analyses de l’eau. Plusieurs études révèlent que le développement de l’agriculture intensive en est responsable. La ville de Munich déploie alors un vaste plan de protection : elle décide d’encourager activement l’agriculture biologique sur l’ensemble des terres non boisées. Chaque candidat recevra 275 euros par hectare pendant les six premières années puis 230 euros par hectare les douze années suivantes. Elle s’engage à soutenir la commercialisation des productions issues de l’agriculture biologique. Mieux encore, elle en achète une partie pour approvisionner les cantines de la ville. D’abord hésitants, les agriculteurs sont rapidement convaincus. Résultat : plus de 80% des terres agricoles ont été converties en vingt ans.

    L’inspiration allemande de Lons-le-Saunier

    Plus près de nous, la ville de Lons-le-Saunier dans le Jura a fait le choix depuis 1993 de protéger le bassin versant de son aire de captage par les mêmes pratiques agricoles et sylvicoles que Munich. Elle a souhaité l’arrêt de la production de maïs et a incité à la couverture des sols en hiver. Elle aussi a accompagné les agriculteurs pour passer à des pratiques respectueuses de la qualité de l’eau, voire à une agriculture biologique.

    Dans les deux cas, la pollution de l’eau brute a largement été endiguée. Le coût de ces deux programmes de soutien avoisine 0,01 euro par m3 d’eau distribuée. Et si l’on comparait avec les 0,27 euros par m3 évoqués plus haut ?

    Par Jean Claude Mengoni


    [1] Le site www.remunicipalisation.org recense ces nombreux cas de remunicipalisation.

    [2] Étude comparant 1 113 entreprises d’eau françaises, Eshien Chong et al., « Public-Private Partnerships and Prices: Evidence from Water Distribution in France », Review of Industrial Organization 29, n° 1 (2006).

    2 Commentaires

    1. Autant d’argent pour dépolluer … c’est impressionnant. Nous connaissons la problématique des poses de réseaux d’assainissement. Les contrôles doivent être constant et de qualité (exemple organisme Cofrac). Voici des produits pour vérifier l’étanchéité des réseaux http://www.distribution.sewerdev.com
      Il y a des méthodes qui existe, il faudrait les appliquer.

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