La grève de la faim contre la fin

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    La commission européenne a l’intention d’attribuer un budget de 50 milliards d’euros en faveur du climat pour les sept années à venir alors que d’après plusieurs études 600 milliards par an sont nécessaires. Pour influer sur cette décision qui mène à une catastrophe environnementale et sociale, le collectif gréviste de la faim pour un avenir possible mène plusieurs actions depuis le 28 octobre 2020, guidé par Pierre Larrouturrou qui en est le précurseur.

    « Si on ne fait rien on va vers un suicide de l’humanité ». Ce sont les paroles de Pierre Larrouturrou, rapporteur du budget européen, qui a entamé une grève de la faim pour dénoncer le budget dérisoire proposé par la commission européenne. Tout en mettant en lumière la mauvaise trajectoire prise par les gouvernements, Il propose des solutions ; la première est de mettre en place une Taxe sur les Transactions Financières (TTF) pour créer des fonds disponibles en faveur du climat, de la santé et de l’emploi. Alors que les gouvernements de l’UE dégagent des fonds sur la TVA de produits quotidiens que chaque citoyen, du plus démuni au plus riche paye à hauteur de 5 % minimum, taxer les spéculations de 0,01 % via la TTF rapporterait 50 milliards d’euros supplémentaires par année sans que Monsieur et Madame tout le monde soit impacté. La TTF servira à rembourser le plan de relance européen à hauteur de 15 milliards d’euros. Elle permettra également de débloquer 35 milliards d’euros pour créer des centaines de milliers d’emplois à travers le Plan Climat européen et à libérer des ressources pour la santé. « J’ai fait la grève de la faim car je pense qu’il faut faire tout ce qui est en notre pouvoir pour montrer que c’est possible », dit le rapporteur du budget. Le 9 Novembre 2020, plusieurs citoyens rejoignent son combat, qui devient le combat de tous. Laure Nouhalat, ancienne journaliste pour Libération, spécialiste de l’environnement et Éric Lenoir, pépiniériste, font partie de ces manifestants. « Faire une grève de la faim c’est le passage de flambeau après l’arrêt de Pierre Larrouturrou qui passe à l’acte deux. Il est bien de montrer que des citoyens lambdas et pas seulement des députés puissent avoir une voix et mettre la lumière là-dessus », souligne Laure Nouhalat. Ils ont choisi de mener l’action de la grève de la faim ou de la « fin » comme aime le rappeler l’ancienne journaliste, car ça n’engage qu’eux. Ils sont libres, ils n’ont pas besoin de financement pour le faire. Mais surtout parce que n’importe qui peut s’engager, et ça c’est quelque chose d’essentiel.  Ils sont aujourd’hui près de quatre-vingts à avoir rejoint le « collectif gréviste de la faim pour un avenir possible » et à lutter contre le manque de moyens financiers mis en œuvre pour l’environnement, la santé et l’emploi. Les plus anciens, dont fait partie Éric Lenoir sont en grève de la faim depuis maintenant 23 jours, d’autres comme Laure Nouhalat font des grèves perlées[1], certains n’en font pas mais sont tout aussi importants. Chaque citoyen est invité à se joindre au combat, au mouvement, que ça soit en entamant une grève de la faim ou simplement en les soutenant sur le site « taxonslaspeculation.eu ». Chaque voix est cruciale.

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    Face à l’urgence climatique qui se ressent de plus en plus, les moyens nécessaires prennent de l’importance : « A l’époque du rapport STERN en 2006, 100 milliards d’euros par an étaient nécessaires pour pallier l’empreinte écologique. Aujourd’hui c’est 664 milliards d’euros d’après les chiffres de la commission européenne », rapporte Laure Nouhalat. Mais face à cette nécessité, à cette vitalité de prendre les choses en main sérieusement, la commission européenne, qui se réunit une fois tous les sept ans pour négocier le budget européen déterminé aux sept prochaines années, a décidé de déployer 60 milliards d’euros en faveur du climat, de la santé et de l’emploi pour le prochain septennat. Ne pas porter d’importance à l’urgence climatique alors que cette décision sera employée à long terme serait catastrophique. Pourtant, d’après Éric Lenoir, les chefs d’état ont les clés qui permettraient d’envisager un futur plus acceptable : « La où nos politiques ne sont pas seulement des incapables mais aussi des criminels c’est qu’ils savent exactement ce qu’il faut faire et combien ça coute mais ils ne le font pas. Depuis plusieurs années, le GIEC, un groupe international d’experts sur le climat, rend des rapports réguliers sur la situation actuelle. Il n’y a pas un rapport qui ne parle pas d’une situation alarmante et qui ne donne pas de solution. » Le manque d’investissement gouvernemental s’explique par la pression et le pouvoir qu’exerce le lobby bancaire sur la France, qui est un des pays les plus influents de l’union européenne. À l’image de la TTF que beaucoup de pays veulent adopter mais que la France limite aux achats d’actions de 109 groupes cotés en bourse en exonérant 99 % des transactions. « C’est toujours la même chose, la peur de la fuite des capitaux et des investissements. Mais vous imaginez bien qu’il y a un lobbying d’enfer et surtout du côté français ou c’est principalement la BNP Paribas qui est aux manettes des négociations et qui agite toujours ce chiffon rouge », confie Laure Nouhalat et confirme le ministre des finances autrichien, qui, dans une lettre à destination du ministère français, dit se retirer des accords en faveur de la TTF si la France ne coopère pas.

    « J’AI PERDU 10 KG MAIS J’AI GAGNÉ DES MILLIONS D’ALLIÉS. »

    Depuis le commencement de la grève de la faim et la création du collectif, une énorme vague optimiste émerge. En plus d’un collectif ou tout parti politique, toutes catégories sociales, toutes religions, tout âge se mêlent, la médiatisation de ce mouvement entraine des millions de soutiens. « Aujourd’hui je crois que le peuple se réveille, refuse le suicide collectif et ça me rend très heureux. J’ai perdu 10kg mais j’ai gagné des millions d’alliés », souligne le député européen qui a dans son bureau une photo accrochée de la chute du mur de Berlin accompagnée de la citation de Bastien Lebel : « chacun de nous pense qu’il n’a pas la moindre importance mais chacun de nous peut changer le monde ». Grâce à la mise en lumière de son action et au soutien de millions de citoyens, la pression exercée commence à faire changer les choses. Le sommet du 15 Octobre dans lequel la chancelière allemande devait signer les accords a été reporté au 10 décembre. Même si malgré la pression, des accords n’aboutissent pas, Antonio Costa, premier ministre portugais et futur président de la commission européenne, organisera après sa prise de fonction un sommet sur le climat en Février 2021, un conseil européen en mars et un conseil économique, social en mai. La sensibilité au climat du ministre portugais et son rapprochement avec Pierre Larrouturrou restent porteurs d’espoir.  « J’ai passé un grand moment avec des proches de madame Merkel et d’Antonio Costa, j’ai vu des commissaires européens. Il faut construire une force au niveau européen et français pour faire reculer les lobbys. C’est pourquoi j’utilise la stratégie du dentifrice : On débloque l’esprit des décideurs et puis il faut pousser pour que le Dentifrice sorte grâce à une grosse pression citoyenne. »

    Grâce à ce plan d’action et aux solutions proposées, un futur optimiste et adapté au passé climatique peut s’envisager. « Ce que propose le GIEC c’est cette volonté d’affronter un monde à plus sept degrés [2]avec une raréfaction des ressources, plus de gens sur terre, plus de vagues migratoires. On ne pourra peut-être pas tout arrêter mais tous les moyens dont on dispose doivent être mis en œuvre pour permettre de le faire au mieux », nous dit le pépiniériste. Pierre Larrouturrou et les citoyens qui l’accompagnent ne le font pas pour l’Europe. Ils ont pour intention que dans chaque ville, chaque village des aides soient allouées à destination de chaque famille, de chaque agriculteur, pour isoler des écoles, des maisons de retraite, pour diminuer l’emprunte CO2 des transports en commun, pour que les terres soient traitées en biogaz et éviter de fragiliser encore plus les nappes phréatiques. La mise en place de cette taxe fait partie des solutions prévues mais ne se suffit pas à elle-même. Le collectif ne lâchera pas la pression tant que le budget ne sera pas adapté au besoin, pour le climat, pour les vies futures et présentes.

    [1] Grève de la faim faite en plusieurs séquences avec des interruptions régulières.

    [2] En 2019, une vingtaine de laboratoires climatologiques ont réalisé une simulation du climat futur qui servira de référence au prochain rapport du GIEC dont le premier volet sortira en 2021. D’après leurs recherches, le réchauffement climatique pourrait atteindre 7 ˚C d’ici la fin du siècle si l’empreinte des émissions de gaz à effet de serre n’est pas suffisamment réduite.

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