La sobriété est un retour à nos besoins fondamentaux

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    Nous avions besoin d’amour, nous avons accumulé l’argent

    Nous avions besoin de pain et de vin, nous avons asséché les sols et les rivières.

    Pour respirer, nous avons besoin d’air, nous avons acidifié la pluie ; nous avons besoin d’arbres, nous les avons brûlés ; nous avons besoin des océans, nous les avons souillés.

    Et maintenant, que faire ?

    Le gouvernement semble avoir découvert cet été l’urgence de la crise climatique. La sobriété figure à présent dans tous les éléments de langage fournis aux ministres. Ne soyons pas amers. Ils découvrent avec au moins dix ans de retard ce concept que nous, et d’autres, proposons depuis que nous existons. Mieux vaut tard que jamais.

    Ce qui est inquiétant, c’est le manque de cohérence, de clarté, et ce fameux « en même temps » qui résonne en creux dans leur discours martial. Comme la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui, au début de l’été, invite les Français à ne plus envoyer de mails avec des images (dont personne ne sait précisément évaluer l’impact carbone, tellement il est variable et… faible).

     

    Et, « en même temps », un gouvernement qui continue de promouvoir la mise en œuvre de la 5G. Ce qui, par effet rebond, va amener sur les marchés de nouveaux produits de type smartphones encore plus énergivores. Or, en France, 99 % de l’empreinte carbone d’un smartphone est liée à sa production et à son acheminement. Bref, ne plus envoyer de pièces jointes dans un mail est moins efficace que de faire pipi sous la douche ! C’est la même ministre qui raille les écologistes, leur reprochant d’être à côté de la plaque quand ils dénoncent l’usage des jets privés alors que ceux-ci émettent « seulement » 1 % des émissions de GES ! Ce chiffre est juste. Mais est-ce la bonne façon de regarder le problème ?

    Pour respecter l’Accord de Paris et rester en deçà d’une augmentation de 2 degrés, chaque Français doit émettre 2 tonnes de CO2 par an et par personne à l’horizon 2050. Un objectif validé par l’État via la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique Or, aujourd’hui, un Français moyen émet environ 10 tonnes de CO2 par an. Avec un jet privé, un aller simple Paris-Nice, c’est déjà 3,7 tonnes de CO2. Ramené au kilomètre, un jet émet 4,65 kilos de CO2, contre 192 grammes pour une voiture, 1,7 gramme pour un TGV, 0 gramme pour un vélo. Il y aurait donc des gens qui ont le « droit » d’émettre   mille fois plus de CO2 que les autres pour parcourir la même distance ?

    Au-delà de la question éthique, c’est contre-productif. Comme le rappelle Sébastien Bohler[i]on a besoin de se sentir sur un pied d’égalité avec les autres pour fournir des efforts : « La coopération chez l’être humain est conditionnelle. Si vous demandez à un adolescent préoccupé par le climat : “Est-ce que tu veux bien renoncer à tes baskets de marque

    Ainsi, la ministre demande à 99 % de la population de fournir des efforts supplémentaires, en plus de ceux déjà subis du fait de l’inflation, mais elle « valide » les comportements polluants des 1 % les plus riches ! Ce qui entraîne une réaction dont nous pouvons tous attester :« Pourquoi devrais-je renoncer à ma voiture quand on laisse Pinault ou Arnault partir le week-end en jet ? »

    Alors, je repose la question : que faire ?

    Baisser les bras et se dire : « C’est foutu, arrivera ce qui arrivera. »

    Préparer sa résilience, personnelle ou territoriale ?

    Se lancer dans une dynamique plus radicale, frontale ?

    Je crois que nous n’avons pas à choisir ! Nous devons opter pour le « ET » : nous adapter ET accepter, préparer notre résilience ET devenir radicaux. Pour reprendre le concept du chercheur et auteur François Taddei, nous devons être « meilleuristes ». C’est-à-dire donner le meilleur.

    Donner le meilleur de soi-même, c’est un beau projet personnel et collectif. C’est préférer la coopération à la compétition. C’est accepter de sortir de sa zone de confort. Car, soyons lucides, la sobriété, ce n’est certes pas retourner au « modèle amish », mais c’est renoncer, renoncer au superflu, renoncer à une forme de facilité. Ce qui nous impose, ainsi qu’au gouvernement, une forme de cohérence.

    La sobriété n’est pas compatible avec une augmentation du pouvoir d’achat. C’est rude, mais c’est la réalité. C’est aussi pour cette raison que nous avons besoin de coopérer pour accepter cette perte de confort. C’est la qualité du lien avec nos proches qui, en reprenant sa juste sa place, remplacera notre frénésie compulsive d’achats – laquelle compense le manque d’être par l’avoir.

    La sobriété est un retour à nos besoins fondamentaux ; il est essentiel de les écouter et les respecter.

    « Quand le débutant est conscient de ses besoins, il finit par être plus intelligent que le sage distrait. » Lao Tseu

    [i] docteur en neurosciences, rédacteur en chef du magazine Cerveau & Psycho et auteur de Le Bug humain. Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher (Robert Laffont, 2019)

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