L’éducation à la finlandaise

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    Depuis plus de dix ans, le système éducatif finlandais fait figure de modèle en Europe et plus largement dans les pays occidentaux. Ce pays a obtenu des résultats faramineux aux évaluations internationales PISA [1] menées par l’OCDE (2e mondial en sciences, 3e en lecture et 6e en mathématiques en 2009, loin devant tous les pays occidentaux). Pour comprendre ce phénomène, Paul Robert, principal de collège dans le Gard, a participé à deux voyages d’étude en Finlande. Il a pu y visiter des établissements scolaires de tous niveaux : un jardin d’enfants, deux écoles primaires, deux collèges, deux lycées, un lycée professionnel, une université et un centre de formation continue. Il en a tiré un livre, La Finlande : un modèle éducatif pour la France ? Les secrets de la réussite et un passionnant rapport dont voici les points forts.

     

    Chaque élève est important

    Il y aurait beaucoup à dire sur le modèle finlandais, ses pratiques, sa structure et ses modes d’évaluation, mais ce qui fait le secret de son étonnante réussite réside peut être dans le choix du pays de replacer l’élève, et non les savoirs, au cœur du système scolaire. Chaque élève est important et c’est l’école qui doit s’adapter à cette singularité, plus que l’élève à un système rigide.

    Comme le dit Paul Robert, « l’idée qu’un élève heureux, épanoui, libre de se développer à son rythme, acquerra plus aisément les savoirs fondamentaux n’a rien d’une utopie de pédagogue illuminé en Finlande. C’est tout simplement ce qui oriente l’action de tous : État, municipalités, chefs d’établissement, professeurs… » M. Hannu Naumanen, principal du collège Pielisjoki, précise : « On ne peut forcer les élèves. Il faut leur donner des possibilités différentes d’apprendre, d’acquérir des compétences. »

    Pour cela, tout un modèle s’est progressivement construit, réforme après réforme. Mme Sirkky Pyy, professeur d’anglais dans un collège de Joensuu, se souvient : « Il y a trente ans, c’était beaucoup plus dur. Les élèves étaient plus indisciplinés, moins motivés. Nous avons changé graduellement, par étapes. Maintenant nous avons à cœur de responsabiliser nos élèves. »

    l'école à la finlandaise

    Une structure d’apprentissage « comme à la maison »

    L’un des premiers objectifs est de faire en sorte que chaque élève se sente « comme chez lui ». Pour cela, la taille des établissements reste relativement modeste (300 à 400 élèves pour un collège, 400 à 500 pour un lycée), les espaces de travail assez vastes, les couleurs agréables, avec de confortables salles de repos. Pendant les pauses, les élèves peuvent déambuler librement dans les couloirs, discuter dans les salles de repos, jouer ou se connecter sur les ordinateurs.

    La familiarité (« qui n’exclut pas le respect mutuel », souligne Paul Robert) est encouragée entre professeurs et élèves afin de créer une véritable relation de confiance et de partenariat.

    Des rythmes d’apprentissage adaptés

    Il est également important de permettre aux élèves d’apprendre à leur rythme. Les enfants ont jusqu’à 8 ou 9 ans pour apprendre à lire tandis que les premières années sont consacrées à l’éveil des aptitudes, de la curiosité, de l’habileté. Le redoublement est en principe proscrit par la loi : il peut, à titre exceptionnel, être proposé mais doit toujours être accepté par l’élève et par la famille.

    La journée de travail est organisée de façon à respecter les rythmes biologiques de l’enfant et à éviter toute fatigue inutile : jusqu’à 16 ans (fin de l’école obligatoire), les séances de cours sont limitées à 45 minutes et entrecoupées de plages de repos de 15 minutes.

    Plus d’encadrants pour le même budget

    Les classes des établissements finlandais sont moins chargées (20 élèves en moyenne, moins au lycée) et dotées de plus d’encadrants : professeurs, conseillers d’orientation pour le secondaire, assistants d’éducation en primaire. Pourtant, la dépense globale d’éducation de la Finlande est à peu près comparable à celle de la France (autour de 7% du PIB).

    Une liberté de choix progressive

    Peu ou pas de cours magistraux en Finlande. Le professeur est là comme une ressource parmi d’autres et il est attendu de lui qu’il favorise et guide l’apprentissage des élèves plutôt qu’il n’impose autorité et savoir. Les élèves apprennent par petits groupes à l’aide de ressources diverses : livres, DVD, ordinateurs, etc.

    Tout au long de « l’école fondamentale » (entre 7 et 13 ans), le programme est le même pour tous. Puis, entre 13 et 16 ans, les élèves prennent progressivement plus de responsabilité dans la construction de leur cursus en choisissant entre 2 et 6 matières optionnelles. Au lycée, il peuvent composer entièrement leur programme en s’inscrivant à des cours dont la liste est disponible sur le réseau informatique de l’établissement et sur Internet. La classe traditionnelle n’existe plus.

    Une autre conception de l’évaluation

    Jusqu’à 9 ans, les élèves ne sont pas notés. Entre 9 et 13 ans, ils sont évalués de façon non chiffrée : l’apprentissage des notions fondamentales peut donc se faire sans stress ni stigmatisation. Chacun peut apprendre à son rythme sans se sentir « nul ». Les notes chiffrées n’apparaissent qu’à 13 ans avec une échelle de 4 à 10. Le zéro potentiellement humiliant est banni. L’objectif des évaluations est de valoriser ce qui est acquis plutôt que ce qui ne l’est pas. Elle perd ainsi son caractère compétitif et angoissant.

    Des professeurs d’abord motivés par la pédagogie

    Les professeurs ne sont pas non plus étrangers à la réussite du système.

    Selon Paul Robert, la plupart d’entre eux choisissent leur profession par intérêt pour la pédagogie plus que pour la matière enseignée, et pour accompagner les enfants dans leur évolution. Ils jouissent par ailleurs d’un réel prestige dans une société très attachée à son système éducatif. Environ 80 candidats sont reçus à la faculté d’éducation de Joensuu pour 1200 dossiers proposés chaque année. Chaque professeur doit y obtenir un master de sciences de l’éducation (pour l’école fondamentale) ou un master spécifique à une discipline (pour le secondaire), étudier une à deux années la pédagogie, puis disposer de trois années d’expérience de terrain en tant qu’assistant dans une classe. Alors seulement il peut postuler dans un établissement où les responsables sont libres de choisir leur équipe pédagogique.

    Prendre soin des enseignants autant que des élèves

    Une fois en poste, les enseignants jouissent de conditions pratiques très favorables : 20 à 25 élèves, du matériel multimédia moderne… Ils disposent en outre d’une liberté pédagogique presque totale, ce qui contribue grandement à leur motivation et leur permet de créer des situations d’apprentissage adaptées à leurs élèves. Loin de se cantonner aux cours, les enseignants sont aussi mis à contribution pour la surveillance ou pour visiter les familles en dehors du cadre scolaire, favorisant ainsi une relation de proximité avec les élèves.

    Car, conclut Paul Robert, « c’est bien cela au fond que semble viser le système éducatif finlandais : aider chaque élève à accéder au statut de personne humaine pleinement responsable, et capable de prendre part en toute conscience à la société sans jamais cesser d’être soi-même. »

    Paul Robert, agrégé de lettres classiques et principal d’un collège public dans le Gard, a publié La Finlande : un modèle éducatif pour la France ? Les secrets de la réussite, 2de édition, ESF Éditeur, 2009, 22 euros.

    Pour aller plus loin, le rapport complet : www.meirieu.com/ECHANGES/robertfinlande.pdf

     


    [1] Programme international pour le suivi des acquis des élèves

     

    15 Commentaires

    1. Au sujet des enfants, je conseille les travaux d’Alice Miller sur l’enfance et comment sont (mal)traités les enfants :

      http://www.alice-miller.com/
      http://alice-miller.blogspot.com/

      « Les humiliations, les coups, les gifles, la tromperie, l’exploitation sexuelle, la moquerie, la négligence etc. sont des formes de maltraitances parce qu’ils blessent l’intégrité et la dignité de l’enfant, même si les effets ne sont pas visibles de suite. C’est à l’âge adulte que l’enfant maltraité jadis commencera à en souffrir et en faire souffrir les autres. Il ne s’agit pas là d’un problème de la famille uniquement, mais de toute la société parce que les victimes de cette dynamique de violence, transformées en bourreaux, se vengent sur des nations entières, comme le montrent les génocides de plus en plus fréquents sous des dictatures atroces comme celle de Hitler. Les enfants battus apprennent très tôt la violence qu’ils utiliseront adultes en croyant à ce qu’on leur a dit : qu’ils ont mérité les punitions et qu’ils étaient battus « par amour ». Ils ne savent pas qu’en vérité la seule raison des punitions qu’ils ont subies était due au fait que leurs parents ont subi et appris la violence très tôt sans la remettre en cause. A leur tour ils battent leurs enfants sans penser leur faire du mal.

      C’est comme ça que l’ignorance de la société reste si solide et que les parents continuent en toute bonne fois à produire le mal dans chaque génération depuis des millénaires. Presque tous les enfants reçoivent des coups quand ils commencent à marcher et toucher les objets qui ne doivent pas être touchés. Cela se passe exactement à l’age quand le cerveau humain se structure (entre 0 et 3 ans). Là, l’enfant doit apprendre de ses models la gentillesse et l’amour mais jamais, en aucun cas, la violence et les mensonges (comme: « je te bas pour ton bien et par amour »). Heureusement, il y en a des enfants maltraités qui recoivent l’amour et la protection chez les « témoins sécourables » dans leur entourage. »

    2. Bonjour à tous,
      Même si le principe est attrayant. Je me demandais si la comparaison :

      « Les classes des établissements finlandais sont moins chargées (20 élèves en moyenne, moins au lycée) et dotées de plus d’encadrants : professeurs, conseillers d’orientation pour le secondaire, assistants d’éducation en primaire. Pourtant, la dépense globale d’éducation de la Finlande est à peu près comparable à celle de la France (autour de 7% du PIB). »

      est réellement faisable étant donnée la différence de population (Finlande environ 5,5 millions et la France environ 66,6 millions) et de PIB par habitant ( Finlande : 47129 $ et France 43000$).

      Dépenser 7% du PIB pour l’éducation dans un pays où le PIB par habitant est supérieur et où le nombre d’habitant est inférieur ou dépenser 7% dans un pays où le PIB par habitant est nettement inférieur et le nombre d’habitant nettement supérieur, ne me parait pas être aussi facilement envisageable que le laisse paraitre cet article.

      Je ne cherche pas à critique le bien fondé de la théorie de la méthode d’enseignement proposée dans l’article. Mon intervention cherche juste à remettre en perspective la faisabilité d’un tel projet en France.

      Après je ne suis pas économiste mais je me renseigne et je n’aime pas que l’on laisse croire que le système français privilégierait un système d’éducation mauvais par choix. Si Je me trompe et que quelqu’un peut m’expliquer clairement que mettre en place cette méthode en France est aisément applicable, je serai ravi d’entendre ce qu’il a à dire.

      Bonne journée

    3. Comme on parle du PIB/habitant, la différence du nombre d’habitants ne compte pas. La différence de PIB/habitant est relativement faible entre la Finlande et la France. De plus, un fort PIB/habitant signifie des salaires plus élevés pour les travailleurs, donc là aussi la différence de budget sera compensée par le salaire plus élevé offert aux enseignants, ce qui est une part énorme du budget de l’enseignement.
      En dehors du nombre brut d’habitants, un critère à prendre en compte est la pyramide des âges : si le nombre de jeunes est très élevé par rapport aux adultes, la part de PIB devra être plus importante pour un niveau équivalent. Cependant, même si la France est une championne européenne de la fertilité, je ne pense pas que la différence soit très très significative.
      Par contre, deux autres différences me semblent avoir un grand poids et ne sont pas données dans l’article :
      – la différence de durée de l’école. Visiblement, à en lire l’article, les enfants finlandais commencent l’école à partir de 7 ans. En France, c’est 3 ans… Il y a donc un budget consacré à garder ces enfants entre 3 et 7 ans, ce serait pas mal d’en tenir compte pour comparer avec le coût du système scolaire français…
      – la différence dans les capacités d’apprentissage de la lecture. La vie est injuste pour un français : à 14 ans, il aura encore des cours de grammaire et des dictées pour apprendre à écrire sa langue. Le petit espagnol sait écrire sans faute dès la fin de sa première année d’école. Et à ma connaissance, le finlandais est plus proche de l’espagnol que du français… Cela nécessite un volume d’heures de cours plus important pour un francophone. Pas de miracle, donc !

    4. effectivement pour ce qui est de l’apprentissage de la lecture le petit finlandais est avantagé : le finnois (qui entre parenthèse est aussi proche de l’espagnol que l’hippopotame est proche du caniche nain 😉 , le finnois donc, est une langue phonétique (seul point commun avec l’espagnol). Vous pouvez donc apprendre à lire en très peu de temps. Par contre, d’un point de vue grammatical, c’est une langue à multiples déclinaisons, et ça, ça doit bien demander quelques heures de boulot quand même pour maîtriser le tout.

    5. c ‘est plus que faisable , qui n’essaie pas ne sait pas. je suis grand mère ma fille a été dans une école de Frenet son intégration dans la vie sociale s ‘est fait sans problème . Sa force intérieure était la base , elle avait acquis l’apprentissage de la liberté de choisir ce qui est bon pour elle. Donc choix , liberté, autonomie, respect d ‘elle et de l’autre . enfin sa place dans la société
      merci d’accueillir mon point de vue

    6. Au Québec, les élèves débutent l’école à 5ans en classe de maternelle et ensuite à l’âge de 6 ans, ils débutent leur première année du primaire jusqu’en 6e année, puis il y a 5 années à l’école secondaire, pour ceux qui poursuivent leurs études (passé 16ans ce qui est obligatoire chez nous) il y a le choix entre deux ou trois ans de CÉGEP ( 2ans pour poursuivre à l’université et 3ans pour faire une technique et avoir son diplôme collégial), ensuite vient l’étude supérieure à l’université (baccalauréat, maîtrise et doctorat, on peut aussi faire des certificats d’un an pour se spécialiser après notre baccalauréat). Les enseignants au primaire doivent faire un baccalauréat de 4années, la dernière année étant un stage pratique en classe.

      L’an prochain, notre misistère de l’éducation québécois (chaque province a son propre ministère de l’éducation au Canada) a rajouté 30 classes de pré-maternelles 4ans pour les écoles en milieux défavorisés….notre ministère de l’éducation québécois regarde de près les avancées pédagogiques à l’école primaire, de la France et des États-Unis… J’ai beaucoup aimé l’article sur la Finlande…je crois profondément que ce serait une très bonne façon de voir l’Éducation au Québec…je suis enseignante à l’école primaire depuis 27 années…la façon dont ils voient l’Éducation des jeunes en Finlande me plaît beaucoup…l’enfant au centre de l’Éducation…c’est ce que notre cher Ministère québécois nous dit, mais les enseignants font de bonnes blagues sur ce sujet…c’est plutôt le signe de $ qui est au centre du gouvernement pour l’Éducation au Québec…j’aime l’idée d’une évaluation sans % dans le bulletin aux parents et sans moyenne de groupe…ça enlève les comparaisons entre élèves, les baisses de l’estime de soi pour ceux qui ont des troubles d’apprentissage variés…les rapports entre enseignants et parents doivent être plus faciles en Finlande avec cette façon de faire l’évaluation…et cela semble gagnant comme méthode à adopter en regardant les résultats… leurs statistiques scolaires…?
      Bref…je viens juste de dire à ma meilleure amie professeur de première année et collègue de mon école, que j’aimerais bien enseigner en Finlande!!! ???

    7. A ce sujet il existe aussi les programmes éducatifs suivants:

      Programme Canadien « Racines de l’empathie »:
      https://archive.is/cv0DN

      « Au coeur du programme Racines de l’empathie, il y a un nourrisson du quartier, qui visite la classe une fois par mois accompagné de son parent, tout le long de l’année scolaire. Au total, les instructrices* de Racines de l’empathie dirigent 27 visites, dont neuf sont aussi des visites de la famille. Les instructrices jouent un rôle essentiel dans la réussite du programme, car ce sont elles qui guident les enfants pendant les cours, soutiennent et forment le parent bénévole et agissent en coordination avec l’enseignant*.
      La nature interactive du programme favorise la compréhension des sentiments. En effet, c’est grâce à l’observation des comportements du bébé que les enfants apprennent le nom des émotions. L’instructrice les incite ensuite à repérer dans leur propre expérience l’expression de
      sentiments similaires. Finalement, la connaissance de soi sert de passerelle vers la compréhension des sentiments d’autrui (l’empathie). Dans les classes Racines de l’empathie, on enseigne un « vocabulaire des émotions », c’est-à-dire à décoder et à connaître ses propres émotions et à être sensible aux sentiments d’autrui. […] »

      Si j’aurais su… je serais né en Suède (reportage sur l’éducation en suède=:
      http://www.oveo.org/si-jaurais-su-je-serais-ne-en-suede/

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