Dans son atelier à St-Briac-sur-mer, près de St-Malo, Matine Pasquier confectionne ces bouquets de fleurs éthiques depuis plus d’un an. Derrière ses lunettes rondes, cette femme hyper-créative assemble couleurs et parfums de fleurs, un brin plus vrai que nature.
Sa blouse bleue lui donne l’allure d’une artiste, et pour cause ! Dans son atelier qu’elle a nommé Un brin à l’ouest, Matine laisse son imagination, ses envies et inspirations prendre forme. « J’ai toujours aimé bricoler et travailler avec les fleurs ! Cela fait des années que mon activité tourne autour des arts de la table et de l’événementiel », confie-t-elle avec une douceur presque timide. Décoratrice et étalagiste de formation, elle touche aussi aux arts graphiques avant de se lancer dans l’art floral. « Je formais une équipe de 11 fleuristes à mes bouquets. Mais je ne me posais pas la question d’où venaient les fleurs que j’utilisais dans mes créations, ni de la façon dont elles étaient produites. Je m’y suis sensibilisée il y a environ trois ans et je me suis dit que ce n’était plus possible ! »
Début 2020, elle adhère au Collectif de la Fleur Française, rassemblant 400 membres (producteurs et fleuristes) avec une idée en tête : vendre ses bouquets et organiser des dîners secrets dans la région : « Mon projet était de créer des décors, en donnant une grande importance aux fleurs bien-sûr, pour des dîners organisés dans des endroits particuliers. Le tout en gardant le lieu secret jusqu’au dernier moment pour mes clients ! » Avec la crise sanitaire, cette partie du projet n’a pas pu aboutir… mais elle n’a pas abandonné les fleurs.
Slow flower
Seule dans son atelier, elle gère tout. Cueillir ou choisir elle-même chez ses producteurs, composer ses bouquets, les vendre sur place, les livrer à vélo, Matine aime les fleurs, mais elle aime surtout la liberté qu’elles lui apportent. Des bouquets tous frais aux assemblages de fleurs séchées, les murs et étagères donnent l’impression d’une véritable exposition. « Je fais un peu, beaucoup, de choses ! », s’amuse-t-elle accoudée à sa table où quelques pétales se promènent.
Fière de ne travailler qu’avec des fleurs locales, respectées et respectueuses de l’environnement, Matine confie son inquiétude quant au marché traditionnel. « L’indécence d’aller chercher des fleurs en Afrique où on pollue les eaux, les gens au contact de produits chimiques qui sont très peu payés par ailleurs. Je trouve ça hallucinant. Le transport en avion, dans des soutes réfrigérées, puis en camion… Ce n’est même pas bon pour le produit ! Les fleurs subissent plusieurs chocs thermiques, c’est pour cela qu’elles ne durent pas longtemps une fois en vase. »
Alors ses journées sont rythmées ! Elle trouve tout de même une petite heure pour aller se baigner ou se promener en vélo, où elle fera quelques trouvailles végétales sur les bords des routes. Tout lui semble être une inspiration pour ses créations. Reconnaissante envers ses producteurs, elle met l’accent sur leur travail. « Ils ne sont pas tous bio, mais ils cultivent les fleurs dans le respect du vivant. Ils sont très professionnels. Leur métier est si beau, et difficile d’ailleurs ! Il faut le favoriser, en parler et faire vivre ses gens-là. »
Elle informe aussi sur le petit nombre de fleuristes dits éthiques. Selon elle, il y a plus de producteurs que de créateurs de bouquets. Avec l’attrait grandissant de la nouvelle génération pour le respect de la nature, elle espère qu’il y en aura de plus en plus.
Spécialiste de l’art de vivre
Organiser des mariages, des réceptions pour Dior ou L’Oréal, des dîners sur un bateau de la route du Rhum, décorer les Galeries Lafayette à Paris … : « J’ai adoré faire tout ça ! Et en arrivant ici, en 2003, j’ai eu envie de former les restaurateurs et hôteliers à la décoration d’intérieure : je proposais des formations pour que ces professionnels apprennent à accorder leurs tables avec leur carte. » Alors la liste s’allonge : elle intervient dans de prestigieux hôtels étoilés jusqu’aux bistrots locaux.
« Les fleurs, elles ont un pouvoir social », raconte-elle d’un grand sourire. Ses bouquets habillent aujourd’hui les habitants de la région, mais aussi les cabinets médicaux adoucis par les couleurs choisies par ses soins. Jamais loin des restaurateurs, elle vend aussi ses compositions grâce à eux « un plat à emporter, un bouquet de fleurs, ça va ensemble ! » Pour elle, les arts de la table, ce sont aussi les arts de (bien) vivre. Le cœur généreux, elle n’a pas l’habitude de gaspiller. « S’il me reste des bouquets, je les offre à des inconnus dans la rue ! Une fois j’en ai posé un sur un banc avec un petit mot « emmenez-moi plus loin ». La dernière fois j’en ai donné un à un monsieur dans la rue, il se demandait pourquoi. J’ai dit « c’est une bonne journée ! »
Et devinez quoi, nous ne sommes pas repartis bredouilles : elle nous a fait cadeau de son dernier bouquet de la semaine !
Les fleurs en chiffres :
- 83% des Français achètent des fleurs plus d’une fois par an.
- 85% des fleurs vendues en France sont importées (principalement du Kenya et des Pays-Bas).
- La production d’une rose représente l’émission d’1kg de CO2, soit un trajet de 10km en voiture.
- On décompte en moyenne 15 substances chimiques par bouquets (insecticides, fongicides, …).
- Il n’y a pas de réglementation concernant les résidus de pesticides sur les fleurs.
- Quelques labels : Fleurs de France (garantie l’origine française) et Plante Bleue (production éco-responsable)