Maxime de Rostolan : « Face au Pape, nous voulions souligner l’importance de l’engagement des fidèles dans le mouvement climat »

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    Le 3 septembre dernier, des militants écologistes français ont rencontré la Pape François au Vatican lors d’une audience privée pour évoquer l’avenir de la planète. Maxime de Rostolan, fondateur de Fermes d’avenir et du mouvement la Bascule, était l’un des organisateurs de ce voyage, il raconte.  

    Pourquoi et comment avez-vous organisé cette rencontre inédite ? 

    Tout a commencé lorsque Raphaël Cornu-Thenard, un ami d’enfance que j’avais perdu de vue, m’a recontacté il y a quelques années. Fondateur du mouvement d’évangélisation Anuncio, il m’a expliqué avoir été touché par la grâce de l’écologie et être déterminé à créer des passerelles entre fidèles et militants. En 2019, il m’a donc invité à la Conférence des Évêques à Lourdes qui ouvrait pour la première fois l’événement à des laïcs et consacrait une partie de la journée à l’écologie. C’est alors que l’archevêque de Reims, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, particulièrement touché par mon discours, m’a proposé d’organiser une rencontre avec le Pape François.

    Avec Raphaël, on a donc réuni une délégation de fidèles et de militants écologistes dont Pablo Servigne, connu pour ses travaux sur l’effondrement, Valérie Cabanes, l’une des porte-parole de l’écocide, Gaël Giraud, prêtre jésuite et économiste ou encore Aurélien Gonthier, agriculteur du Loiret engagé dans sa paroisse. La date du 3 septembre 2020 étant fixée, j’avais juste posé la condition de ne pas y aller en avion mais en train et bus. Après 20 heures de trajet nous sommes arrivés le 2 septembre au soir, hébergés dans un monastère sur une colline dominant la ville de Rome. Et le lendemain, on rencontrait le Pape.

    La délégation française sur la place du Vatican, le 3 septembre 2020, composée en partie de Maxime de Rostolan, Pablo Servigne, Juliette Binoche, Audrey Pulvar, Gaël Giraud. ©DR

    Notre objectif était de le remercier, de montrer qu’il était pertinent que les fidèles de l’Eglise s’engagent dans le mouvement climat et l’importance de créer des ponts, des passerelles entre des mondes et des horizons différents. De son côté, un discours officiel était prévu, que nous avions chacun à disposition imprimé sur nos sièges, mais le Pape François a soudainement préféré engager une discussion informelle en nous rappelant, je cite, que « l’écologie, c’est aussi de ne pas perdre de temps ; alors comme vous avez déjà le texte officiel entre les mains, je n’ai pas besoin de le lire et préfère parler spontanément ». S’en est suivi un témoignage personnel de trente minutes qui nous a tous touchés par sa justesse et sa simplicité. Il nous a confié que dix ans avant d’écrire l’encyclique, il n’y connaissait rien à l’écologie et que sa conversion s’est opérée lors de sa rencontre avec plusieurs chefs autochtones amazoniens dont il admirait la sagesse et la capacité à utiliser en harmonie la tête, les mains (l’action) et le cœur. Trois langages primordiaux selon lui pour réconcilier humain et nature. Une manière de dire aussi que dans le militantisme il ne fallait pas pour autant oublier l’aspect spirituel et dans la spiritualité, la mise en action.  

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    Passer à l’action, le pape François l’a justement fait il y a cinq ans, à travers son encyclique « Laudato Si » qui invite à s’unir pour la justice sociale et climatique et accélérer l’engagement de l’Eglise dans la transition écologique. Que pensez-vous de cette démarche ?  

    Je me suis replongé dans ce texte avant notre rencontre et je conseille à toute personne de le lire car il est intelligemment écrit et le raisonnement est implacable. Il nous expliquait qu’il a tenu à sortir l’encyclique avant la COP21 « pour faire pression » et alerter sur la nécessité de « sauvegarder notre maison commune » Nous n’avons rien à lui apprendre sur les crises systémiques, sur les verrous institutionnels, sur la domination de l’homme sur la nature etc. Ce texte et ses prises de positions en parallèle montrent qu’il est conscient de l’urgence et j’aurais sans doute été beaucoup moins enthousiaste de le rencontrer s’il n’avait pas rédigé une telle encyclique.

    Plutôt que de lire le discours officiel, le Pape François a engagé une discussion plus informelle avec la délégation, revenant notamment sur sa conversion écologique. ©Maxime de Rostolan

    Est-ce selon vous le début d’une réconciliation entre Écologie et Eglise ?

    Beaucoup de théologiens trouvent dans les textes des passages évoquant le besoin de protéger la maison commune, la valeur de chaque être vivant, notamment chez Saint-François d’Assise, et je pense que le travail a aujourd’hui commencé pour intégrer dans l’esprit des fidèles la notion d’urgence écologique. Mais je pense qu’en parallèle, l’Eglise ne va pas s’épargner une refonte du culte, une réflexion sur les manières de passer des messages si universels…mais c’est un travail de fond qui prend du temps. Je reste néanmoins plutôt optimiste avec la philosophie du Pape François pour faire sauter des verrous.

     

    Concrètement, cette rencontre aura-t-elle un impact pour la suite du combat écologique ?

    C’est une première pierre posée, on est conscient que ce temps d’échange avec le Pape était plus de l’ordre de la symbolique et on ne sait pas ce que cela va donner concrètement après de longues discussions sur le chemin du retour avec la délégation. Mais ce dont on est sûr c’est que c’était un moment important avec un leader spirituel conscient des enjeux écologiques et de l’urgence de la situation. Et s’adresser à une personne qui touche plus d’un milliard de personnes aux quatre coins du monde, cela n’est pas négligeable et peut faire changer les mentalités !


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