Une microferme pleine d’avenir

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    Créée en 2014 par Maxime de Rostolan, la microferme expérimentale du domaine de la Bourdaisière, près de Tours, est le premier projet de l’association Fermes d’avenir, qui promeut un nouveau modèle où agroécologie rime avec rentabilité. Objectif : créer 25 000 microfermes et 100 000 emplois en dix ans.

    C’est l’histoire d’un jeune des quartiers chics de la banlieue parisienne qui, au lieu de suivre les traces de sa lignée, décide de mettre les mains dans la terre. En 2004, son diplôme d’ingénieur en poche, il part pour deux ans faire un tour du monde de l’eau, qui donnera lieu à un livre, Les Aventuriers de l’or bleu (Presses de la Renaissance, 2007). Mais, pour Maxime de Rostolan, l’eau n’est qu’une étape. « Louis-Albert de Broglie, propriétaire de la maison Deyrolles [société de taxidermie], voulait remettre au goût du jour ses planches pédagogiques sur les enjeux de développement durable et m’en a confié la direction. Parallèlement, j’étais bénévole au Samu social, car on ne peut pas prendre soin de la planète sans prendre soin des humains. » Le jeune homme poursuit son parcours en travaillant, dès 2009, à une plateforme de financement participatif, Blue Bees, spécialisée dans le prêt et le don pour des projets agroécologiques et lancée en 2013.

    En 2010, il participe à la création du comité français de l’association Biomimicry Europa, promouvant le biomimétisme pour éviter l’utilisation de matériaux non durables. Les propos de Janine Benyus, dans son livre de référence Biomimétisme, Quand la nature inspire des innovations durables (Rue de l’Échiquier, 2011), l’interpellent : « Si […] nous sommes vraiment acquis à la durabilité […], l’agriculture doit figurer tout en haut de notre liste de priorités. » Maxime se forme alors à la permaculture à la ferme du Bec Hellouin, puis s’inscrit en Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole

    (BP-REA), spécialité maraîchage bio. « J’ai compris que près d’un quart des agriculteurs partiront à la retraite dans les sept prochaines années. Le renouvellement passera donc forcément par des néoruraux, comme moi. » En août 2012, Maxime et Louis-Albert de Broglie – surnommé le Prince jardinier depuis qu’il a créé un Conservatoire national de la tomate au château de la Bourdaisière –, décident de monter une ferme agroécologique s’inspirant de la permaculture, sur une prairie d’1,4 hectare. « Nous avons écrit le projet avec Claire et Gildas Véret, professeurs de permaculture, et constitué un comité scientifique [Auxilia conseils, HEC Paris, université Pierre-et-Marie-Curie, AgroParisTech], dont les recherches ont permis de publier le Plaidoyer Fermes d’avenir, qui établit un bilan quantitatif et qualitatif des bénéfices des fermes agroécologiques, et propose des leviers d’action. La conclusion est qu’il est possible de créer 25 000 microfermes pour 100 000 emplois directs et indirects, permettant de fournir 33 % de la population française en fruits et légumes bio locaux. »

    Se rapprocher de la grande distribution

    Le 1er avril 2014, c’est le premier coup de bêche. Le terrain est sableux à 80 % et la matière organique ne dépasse pas 1,4 %. Deux ans plus tard, grâce à l’apport de compost et de BRF, elle atteint 6,8 %. Dans cette ferme, le low tech est la norme : des serres mobiles sur rails qui permettent de faire deux fois plus de cultures sous tunnel ; pas de réfrigérateur pour stocker les légumes, mais un container enterré dans le sol, isolé avec de la paille et de la terre qui maintient la température à 12 °C ; aucune semence hybride, des purins de plantes, des cultures associées… ; pour l’eau, un puits foré à 55 mètres de profondeur ; 100 arbres fruitiers plantés ainsi qu’une haie comestible, et 90 variétés de légumes, dont 25 de tomates. La ferme vend sur place 45 paniers deux fois par semaine, fournit en légumes deux maisons de retraite, deux restaurateurs bio, une Biocoop, mais aussi, localement, un Super U et un Métro. « On me reproche de pactiser avec le diable, mais si l’on souhaite changer d’échelle, comment éviter la grande distribution qui représente 70 % des ventes de fruits et légumes ? » En 2016, comme tous les maraîchers, la ferme a perdu 30 à 50 % de revenus à cause des conditions climatiques, et donc réalisé un chiffre d’affaires de 25 000 euros au lieu des 75 000 prévus. Alors, comment s’en sort-elle ? « Nous portons un projet de recherche et d’expérimentation, et sommes subventionnés, à ce titre, par des institutions publiques et privées qui s’intéressent à ces modèles agricoles d’avenir. Le pari est d’atteindre d’ici deux ou trois ans 100 000 euros de chiffre d’affaires pour financer le salaire de trois maraîchers. »

    Payculteur, un nouveau métier

    Fermes d’avenir ne se contente pas de produire des légumes. Maxime a esquissé un nouveau concept, celui de payculteur, un entrepreneur du territoire, capable d’accompagner la création et le développement de plusieurs fermes. « Je passais mes soirées à faire des factures, de l’administratif, des recherches de financement… J’ai compris combien ce maillon de la chaîne était indispensable, et nous avons lancé en septembre une première formation. » La boîte à idées de Maxime regorge encore d’autres projets : reprendre un lycée agricole pour le spécialiser en agroécologie et en permaculture ; récupérer une ferme de 150 hectares d’un agriculteur qui part à la retraite en Île-de-France afin de tester la permaculture à grande échelle… Et, quand il lui reste un peu de temps, il écrit un livre sur l’agroécologie et tourne un film : On a vingt ans pour changer le monde. Changer le monde, Maxime a déjà commencé !

     

    Par Frédérique Basset

    Article publié dans Kaizen 30, Demain, quelle agriculture ?

     


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