Objectif : vélonomie !

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    Rejoignez un atelier associatif et apprenez à réparer vous-même votre vélo pour gagner en vélonomie, l’autonomie version cycliste.

     

    Vélonomie

     

    Elodie a le sourire. Cet après-midi, elle s’est rendue à l’atelier du Recycleur avec le vélo de son grand-père pour un petit check-up. Bilan : un câble de frein à retendre et des pneus à regonfler. En dix minutes, le Peugeot vintage est prêt. Coût de l’opération : zéro euro. « C’était juste de l’entretien. La prochaine fois, j’installerai un feu arrière, avec des pièces d’occasion. Ça ne me coûtera presque rien », explique l’étudiante lyonnaise de 23 ans.

    Son ami Samuel, 25 ans, est aussi un habitué : « J’ai trouvé dans un grenier un vieux biclou que je retape. Avec 40 euros et une douzaine d’heures de bricolage, il sera bientôt comme neuf ! Je fais tout moi-même. Quand je rencontre un problème je demande l’aide d’un mécanicien de l’atelier ou d’un autre adhérent plus expérimenté. » Comme Samuel et Elodie, plus de 1 800 cyclistes fréquentent régulièrement cet atelier associatif lyonnais créé en 1994. La même année, se montait son alter ego à Grenoble, le P’tit vélo dans la tête, devenu depuis le plus important atelier de France avec près de 2 500 adhérents.

    Ateliers tous publics

    Ces ateliers sont des lieux participatifs où chacun peut venir réparer son vélo moyennant une adhésion modique (de 10 à 35 euros par an) avec l’aide de mécaniciens salariés ou bénévoles. À titre de comparaison, une heure de main-d’œuvre chez un vélociste varie entre 30 et 40 euros. Au Recycleur, on estime qu’un adhérent peut économiser jusqu’à 150 euros par an s’il adopte ce système D. On trouve ici les outils de première nécessité (clés plates, tournevis, démonte-pneu) et d’autres plus spécifiques que l’on possède rarement chez soi : un fouet à chaîne pour changer les pignons, une clé demi-lune pour démonter un axe de pédalier, un appareil pour dévoiler les roues…

    Cet équipement attire de plus en plus de cyclistes qui réalisent qu’entretenir et réparer leur monture est plutôt simple. « Il y a trois mois à peine, je ne savais pas changer un câble de frein ou régler mon dérailleur. C’est pourtant un jeu d’enfant. Un jour j’ai dû appeler mon père pendant une balade pour qu’il vienne faire une réparation simplissime. Plus jamais ça ! » jure Diego, 23 ans, adhérent lui aussi au Recycleur. À ses côtés, une mère de famille fixe un porte-bagages neuf sur la bicyclette qu’elle utilise chaque jour pour se rendre au travail. Plus loin, c’est un retraité qui règle son vélo de course avant sa sortie du week-end. Un public diversifié, qui reste toutefois assez jeune (28 ans en moyenne) et plutôt masculin (à 58 % d’après le Panorama 2011 des ateliers de l’Heureux Cyclage).

    Heureux Cyclage

    En vingt ans, le nombre d’ateliers associatifs a explosé. On en recense plus de 70, fréquentés par 25 000 adhérents. Toutes les grandes villes en possèdent au moins un ; il en existe deux à Grenoble, trois à Lyon, cinq à Toulouse et une quinzaine dans l’agglomération parisienne. Ces structures incitent les cyclistes à se remettre en selle et facilitent l’usage du vélo au quotidien. Il s’en ouvre désormais dans des communes de taille moyenne comme Annecy, Arras, Gap ou Belfort, fédérées au sein du réseau l’Heureux Cyclage. Pour intégrer celui-ci, un atelier doit pratiquer l’échange de savoir-faire, l’autoréparation (les mécaniciens sont simplement là pour conseiller les adhérents ou apporter leur aide en cas de réparation difficile) et le recyclage : remise en circulation de vieux vélos, utilisation de pièces détachées d’occasion et transfert des matières premières inutilisables à la déchetterie ou à la recyclerie.

    « Les ateliers sont en contact permanent. C’est très utile quand on est confronté à un problème administratif, juridique, technique ou humain », explique Ludovic Boyer-Bearth, administrateur de l’Heureux Cyclage. « Nous développons un logiciel interne pour apprendre à gérer un atelier clé en main. Nous proposons des formations à destination de nos mécaniciens salariés – il y en a déjà plus de 80 en France – et de nos bénévoles qui souhaitent se professionnaliser. » Soudure, utilisation d’outils spécifiques ou encore apprentissage de la pédagogie en direction du public viennent en tête des formations les plus demandées.

    Un métier d’avenir

    Pour devenir mécano dans un atelier associatif, il n’est pas nécessaire d’être diplômé : une solide expérience de bénévole suffit. Beaucoup apprennent sur le tas, comme à Clichy au sein de BicyclAide, une association actrice de l’économie sociale et solidaire. « Le vélo est un vecteur d’insertion intéressant. Réparer une bicyclette reste simple quand on est un peu manuel. Transmettre son savoir-faire aux autres est valorisant pour des personnes en manque de confiance », explique Chloé Mandelblat, coordinatrice de l’association.

    L’atelier emploie une dizaine de mécaniciens en insertion depuis deux ans et compte déjà 300 adhérents. « Deux de nos salariés vont passer le Certificat de qualification professionnelle Technicien cycle, ils seront ensuite à même de travailler chez un vélociste ou de monter leur propre atelier. Les collectivités locales nous soutiennent, les élus réalisent que le vélo est pourvoyeur d’emploi. » Un mécanicien d’atelier associatif gagne 1 100 à 1 600 euros par mois selon le type de contrat et le nombre d’heures de travail.

    La dimension sociale est très présente dans ces structures. Elle se double parfois d’une forte identité politique : c’est le cas des ateliers du collectif Vélorution, qui milite pour la réappropriation de l’espace public par les cyclistes. « Nos ateliers sont fréquentés aussi bien par des militants purs et durs que par des familles lambda. Mais acquérir cette fameuse vélonomie, c’est déjà un geste politique », observe Olivier Théron, l’une des figures du mouvement toulousain. « Si on répare le vélo de quelqu’un, il roulera un jour. Si on lui apprend à le réparer, il roulera toujours. Un automobiliste, lui, restera dépendant de son garagiste toute sa vie. »

    Créer un atelier

    Pour démarrer, on peut monter un atelier mobile autour d’un triporteur muni de quelques outils et proposer des contrôles techniques ou des réparations de base le dimanche le long d’une piste cyclable. Utile pour se constituer un premier réseau et évaluer les besoins des habitants.

    Il faudra compter au moins 25 000 euros de budget pour monter un atelier fixe. Les gros ateliers tournent avec dix fois plus. Tout dépend de l’amplitude d’ouverture (quelques heures par semaine ou tous les jours) et du recours à des salariés ou à des bénévoles. Il est possible de solliciter un soutien financier auprès de la commune. Elle l’accorde le plus souvent sous forme d’un local gratuit ou à loyer symbolique.

    Le modèle économique varie en fonction de l’activité de l’atelier. Ainsi, ceux qui développent le volet insertion sont soutenus en moyenne à 80 % par des fonds publics. Ceux qui pratiquent l’autoréparation avec quelques salariés et beaucoup de bénévoles parviennent à s’autofinancer aux deux tiers. Le Recycleur à Lyon devrait frôler cette année les 90 % grâce à des prestations extérieures (marquage de vélos, animations dans l’espace public…). Quant aux ateliers du collectif Vélorution, ils sont autogérés et ne demandent aucune aide, hormis parfois un local. À défaut, ils utilisent des squats.

    Texte : Stéphane Perraud 

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