En 2014, Maxime Haudebourg et Marc Vergnet ont conçu un équipement permettant de dessaler ou d’assainir les eaux de mer ou polluées. En plus de délivrer de l’eau potable auprès des populations où elle vient à manquer, leur machine fonctionne à l’énergie solaire. Une invention aujourd’hui installée dans des dizaines de pays. Son co-inventeur, Maxime Haudebourg, nous explique le principe de cet équipement et fait le point sur ces nouvelles énergies.
Vous avez 30 ans d’expérience en fabrication d’équipements mécaniques industriels, votre collaborateur est l’inventeur des pompes à eau Vergnet, votre innovation n’est pas tombée du ciel ! Dessaler l’eau, l’a rendre potable, le tout grâce à l’énergie solaire concrètement, comment cela fonctionne ?
C’est la rencontre de deux technologies qui sont matures et bien connues : d’un côté l’osmose inverse (le principe permettant de dessaler l’eau) et de l’autre côté, l’énergie solaire au travers de panneaux photovoltaïques. Jusqu’ici, on n’a rien inventé ! Mais la particularité, c’est que l’osmose inverse fonctionne normalement avec une énergie constante. Hors l’énergie solaire est intermittente, ce qui rend ces deux technologies incompatibles ! Et c’est cet aspect que l’on a travaillé, et on a trouvé une solution. Sans trop rentrer dans le détail, nous avons associé différentes technologies pour y arriver : un système hydropneumatique, de l’électronique, et un algorithme. Cela nous a pris deux ans environ avant de trouver la bonne combinaison. Et on s’est dit : « On tient quelque chose, il faut essayer. »
Cela fait des années que l’on cherche des innovations pour répondre aux besoins des zones où l’eau potable n’est pas accessible, et celle-ci constitue tout de même un pas de géant grâce à son autonomie énergétique. Dans quels endroits du monde installez-vous l’Osmosun ?
Aujourd’hui on travaille principalement dans l’hémisphère sud de la planète. Là où il y a beaucoup de soleil, la mer, mais pas d’eau douce. Il s’agit surtout des zones côtières. Sur le continent africain, on intervient en Somalie, au Kenya, au Mozambique, en Afrique-du-Sud, en Namibie, au Sénégal, en Mauritanie au Maroc et au Cap Vert. En Asie, nous avons installé des machines sur des petites îles indonésiennes, à Rodrigues et Maurice en Océan Indien, et puis dans le Pacifique à Bora Bora. Depuis peu nous avons aussi installé l’Osmosun sur une zone côtière en Australie et des projets sont en cours du côté des Caraïbes.
Qui sont vos clients : des particuliers, des Etats ?
Nos installations sont coûteuses et peuvent alimenter un réseau d’eau d’une petite ville ou un château d’eau. Nos clients sont donc des collectivités : des villages, des petites villes ou des États. Malheureusement, lorsqu’il n’y a pas d’énergie, qu’il y a du soleil et la mer, c’est que nous ne sommes pas dans un pays riche. Or le coût des machines va de 15 000 euros pour les plus petites installations à 2 millions d’euros pour les plus conséquentes. Donc ces collectivités font des démarches de co-financements pour pouvoir accueillir cette installation. A ce jour, on a aussi équipé un hôtel à Rodrigues. Ce type d’établissement est très consommateur d’eau. Il y a un déséquilibre entre les populations locales et le mode de vie des vacanciers. Les hôteliers sont donc intéressés par un système qui les rend indépendants du réseau de l’île et qui permet de laisser l’eau du réseau aux habitants.
D’autres machines ou usines sont aussi capables de dessaler les eaux, mais celles-ci consomment des énergies très polluantes et représentent une facture annuelle de 25 milliards de dollars par an. Quelle est votre situation face à de grands groupes utilisant ces moyens ?
Il y a des lobbys, c’est sûr. Ces grands groupes ont une autre approche du type “on met des machines, un groupe électrogène et on met du pétrole dedans !” C’est un modèle économique qui fonctionne bien-sûr, mais on ne peut plus continuer à brûler du pétrole. Avec ces systèmes, il faut par exemple 1.5 litre de pétrole et 3 kg de CO2 pour produire 1 m3 d’eau douce. C’est colossal. Il faut trouver des solutions, et l’énergie solaire en est une. On sait bien que compte tenu du réchauffement climatique, mais surtout de l’augmentation de la population, ces modèles ne sont plus viables.
Il y a une sorte de concurrence avec votre système et ces grandes usines ?
Non pas pour autant ! On n’est pas sur le même secteur. Ils travaillent sur des méga systèmes de 10 000 mètres cubes d’eau traités par jour au minimum. Nous on est sur des petits systèmes de 1 à 5 000 mètres cubes. Mais ils ont besoin de redorer leur image, alors ils cherchent des solutions pour aller eux-aussi vers le solaire qui devient très important dans le domaine des énergies ! On ne le voit pas encore chez nous en France, mais 60% des investissements dans le monde de l’énergie se fait dans le solaire. C’est considérable !
Vos installations sont mises en place dans des pays ou des villages défavorisés mais selon vous, serait-ce les seules zones à avoir besoin de cette technologie dans les années à venir ?
A échéance 2030, 47% de la population mondiale sera en situation de stress hydrique. Soit 3.9 milliards de personnes. La situation va évoluer, malheureusement, c’est évident. Mais nous avons remarqué que les niveaux de consommation d’eau sont tout de même très différents en fonction des pays, donc c’est à nuancer. En France, on consomme en moyenne 200 litres d’eau par jour et par personne. Aux Etats-Unis, c’est 400 litres. Mais dans un pays comme le Mozambique par exemple, une personne ne consomme que 10 litres d’eau par jour ! Dans cette situation, cette consommation est trop faible, et le niveau d’hygiène l’est aussi. Ce que nos techniciens et ingénieurs sur place ont pu constater, c’est que dès lors où l’Osmosun est fonctionnel, les habitants viennent se servir et ils augmentent rapidement leur consommation. Cela impact leur santé et c’est un vrai progrès social.
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