Permaculture à la ferme

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    La permaculture ne se résume pas à une technique agricole. Elle en est en une expression. Regard sur deux fermes qui s’inscrivent dans cette vision.

    Le souvenir de sa grand-mère paysanne, qui observait longuement les terres cultivées, la lecture de Fukuoka et d’autres auteurs japonais et le rejet des enseignements dispensés durant ses études agricoles ont amené Didier Cattoz à la permaculture. En 2000, après avoir occupé le poste de chargé de mission dans le développement des territoires ruraux, il décide de réaliser son rêve : s’installer en tant que paysan cueilleur. Il souhaite exploiter une petite surface où suivre fidèlement un triple principe : réduire, réutiliser, recycler.

    Il trouve une maison dans le Haut-Diois (Drôme) avec un terrain d’un hectare, qui lui convient. Cette surface jugée trop petite par l’administration pour qu’il bénéficie du statut d’agriculteur le confine au statut de cotisant solidaire. Elle correspond néanmoins à son objectif : développer une agriculture vivrière de surplus qui permettra l’autonomie de sa famille (un couple et trois enfants), la vente des surplus de légumes et la production de confitures. En effet, pour Didier « la permaculture n’est pas une technique agricole supplémentaire, c’est un mode de fonctionnement : c’est avant tout l’éloge de la lenteur et une réflexion « géopolitique » sur son rapport au temps et aux autres. À titre d’exemple, on présente souvent la culture sur butte comme l’outil de base de la permaculture, ici à 1050 mètres d’altitude, ça ne fonctionne pas ! Le gel détruit les buttes. »

    Gestion du temps et de l’espace

    Selon les préceptes de la démarche permaculturelle, Didier passe une première année à observer son  terrain et le climat. Il en déduit le plan du jardin… qui reste dans sa tête ! Ce sera une multitude d’écosystèmes où tout est mêlé, où tout déchet devient une ressource, où tout est polyfonctionnel et où les besoins mécaniques sont limités. « Mon expérience dans la restauration m’a appris à organiser l’espace, à limiter les déplacements. La permaculture c’est aussi se nourrir de toutes ses expériences. » Il choisit aussi de ne pas arroser les arbres fruitiers – au début – pour que leurs racines aillent puiser l’eau en profondeur. Aujourd’hui, cela permet des temps de récolte plus longs et une protection contre les périodes de sécheresse fréquentes dans la Drôme.

    Au bout de treize ans, Didier a trouvé son rythme de croisière. Il dispose de 7 hectares dont 4 de bois, qui lui garantissent bien l’autonomie alimentaire. Les oies, les poules, les carpes (de l’étang) complètent la production de légumes des deux jardins estimés à 250 m² chacun. Les 500 m² de fruits rouges (cassis, groseilles, framboises, fraises) assurent la production d’une confiture labellisée bio qu’il vend en direct. Et quand on interroge Didier sur une possible duplication de son modèle : « Bien sûr je pourrais produire plus. Techniquement, c’est faisable. Mais, aujourd’hui, je m’occupe des enfants, ma femme infirmière assure le complément financier nécessaire à la famille. La permaculture, c’est un vrai choix de vie ! »

    Près de Rouen, Linda et Édouard se sont engagés sur le chemin de la permaculture.
    Près de Rouen, Linda et Édouard se sont engagés sur le chemin de la permaculture.

    La permaculture pour changer de vie

    À l’autre bout de l’Hexagone, près de Rouen (Normandie), Linda et Édouard s’inscrivent dans cette même vision holistique. C’est au Bec Hellouin que commence leur histoire. En 2011, ils sont tous les deux stagiaires dans cette ferme pionnière en permaculture (voir Kaizen 1). Édouard, diplômé de la filière agricole classique (Bac et BTS), en sort convaincu des potentiels d’une autre agriculture. Linda de son côté ressent le besoin de quitter la ville pour revenir à la terre ; l’amour fait le reste !

    Après un ultime accompagnement de la chambre d’agriculture, la Safer [1] leur vend  un terrain de 2 hectares accolé à la ferme des parents d’Édouard, début 2012. Bien qu’en deçà de la surface minimum d’installation prévue dans le département, la diversité  des plantes (fleurs comestibles, arbres fruitiers et arbustes à baies) leur permet d’obtenir le statut d’exploitant agricole.

    « Le premier choix permaculturel fut de ne pas nous endetter, confie Linda, ce sont nos familles et nos amis qui nous ont aidés financièrement (à hauteur de 25 000 €) et physiquement. On a pris les choses comme elles venaient, ouverts à toutes les possibilités. » Ils récupèrent ainsi 300 arbres fruitiers qui partaient à la poubelle et les plantent alignés en alternance avec des rangées de légumes, ce qui génère un écosystème intéressant ; une kyrielle de pollinisateurs (abeilles, papillons) travaillent immédiatement pour eux gratuitement !

    Aucun regret malgré les difficultés

    Ils installent ensuite des nichoirs pour les mésanges, prédatrices des carpocapses qui mangent les pommes et les poires. Après un an d’activité le jeune couple ne regrette rien, même s’ils avouent que la tâche est rude. « Notre société est dans le déni de l’effort, explique la jeune femme ; si la permaculture, c’est arrêter d’être en lutte contre la nature, arrêter de la détruire, collaborer avec elle, c’est aussi travailler la terre… ça fait suer, ça cultive le corps et l’esprit. » 

    Financièrement, ils admettent que c’est un peu compliqué. Ne bénéficiant d’aucune aide ou subvention, ils vendent aujourd’hui des paniers en Amap à une trentaine de familles. Ils espèrent passer à 45 paniers (à 20 €) par semaine dès cette seconde année, ce qui leur permettrait de dégager un salaire. « Notre démarche interroge aussi la société sur son fonctionnement et ses représentations, confie la jeune femme. Notre voisin, céréalier sur 200 hectares, nous aide régulièrement malgré son approche différente du métier. Il demeure bien curieux de savoir comment nous allons nous en sortir. Nous n’avons pas de salaire mais nous avons déjà atteint une quasi autonomie  alimentaire. Et lui ? »

    Mais ce qui satisfait le plus le jeune couple dans ce changement de paradigme, ce sont les liens qu’ils ont su tisser en favorisant les circuits courts. « Les clients changent de statut, ce ne sont plus de simples consommateurs, ils reprennent conscience de la chaîne alimentaire, ils viennent régulièrement nous aider, c’est cela notre vraie réussite, conclue Linda pleine d’enthousiasme, les gens redeviennent des citoyens ! »

    Pour aller plus loin :

    Didier Cattoz

    Ferme du Palais Sauvage – 26310 Saint-Dizier-en-Diois

    Édouard Stalin et Linda Bedouet

    Allée de la Mare des Rufaux – 27310 Bouquetot

    www.fermedesrufaux.com


    [1] Société d’aménagement foncier et d’établissement rural

    Article tiré d’un dossier publié dans Kaizen numéro 8 (mai-juin 2013) réalisé par Béatrice Mera, Benjamin Broustey, Cyril Dion, Yvan Saint-Jours et Pascal Greboval.

    1 COMMENTAIRE

    1. Bonjour,

      Je suis intéressé par la permaculture en général et je lis de nombreux articles sur le sujet.
      Je suis également à la recherche de solutions pour un développement et une vie autonome et j’expérimente pas mal en la matière.

      Je suis surpris de voir peu de références à l’élevage sur le mode permaculturel.

      Peut-être n’ai-je pas encore suffisamment investigué ou alors celui n’est-il peut être pas en concordance avec les principes de la permaculture ?

      Ne s’agirait-il pas (pour les non-végétariens) d’un complément utile tant sur le plan financier que de l’autonomie ?

      Bonne continuation

      Olivier

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