Permaculture : Xavier Fender, nouvelle pousse de Fermes d’avenir

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    En mars 2018, Xavier Fender, maraîcher exploitant en Seine-et-Marne, devient lauréat du concours Fermes d’avenir pour la région Île-de-France. Certifiée bio en mars 2017, sa ferme Les Limons de Toulotte propose chaque semaine des légumes dans une AMAP qui a investi dans le projet dès son origine. En Île-de-France, bastion de la monoculture céréalière, cet agriculteur a fait le choix de s’allier aux arbres pour produire des légumes.

    Des légumes de saison, Xavier Fender en promet à ses amapiens – adhérents d’une AMAP – toute l’année. Au menu de ce début avril : radis et mâche récoltés dans la grande serre, poireaux sortis du champ à l’aide de couteaux. Des pommes de terre et oignons provenant de la réserve de la ferme complètent le tout. Lauréat de Seine-et-Marne du concours Fermes d’avenir 2017, le maraîcher de 33 ans développe sa ferme autour de l’agroforesterie, une technique de production des cultures maraîchères en y intégrant des arbres fruitiers. Une rareté dans le paysage de champs cultivés en monocultures alentour. Chaque semaine, il distribue 85 paniers à trois AMAP de région parisienne.

    Même si le premier coup de bêche n’a été donné dans les champs qu’au printemps 2015, le projet était en germe depuis longtemps. Ce « super Parisien », comme il se définit lui-même, a toujours voulu être paysan. « Depuis que j’ai une dizaine d’années, j’ai envie de faire ça, sans vraiment savoir comment y arriver. » À tel point qu’il utilise tout l’espace disponible dans sa chambre d’enfant pour y cultiver des plantes. Après des études d’ingénieur horticole à Angers, il revient travailler à Paris en tant que paysagiste en 2007. Insatisfait des conditions humaines et écologiques de son travail, il décide de changer de voie en 2014 : « J’ai quitté mon métier avant d’en avoir vraiment marre. » C’est avec la contrainte de rester en Seine-et-Marne pour raisons familiales que prend forme le projet de ferme de Xavier. Sa période de chômage lui permet de le mener à bien et d’avoir le temps nécessaire pour trouver un endroit où s’installer.

    Xavier Fender, maraîcher en Île-de-France, un des pionniers de l’agroforesterie en Seine-et-Marne. ©Valérie Desgardin-Bourdeau

    Après avoir trouvé et visité en 2014 le site où établir son projet, ce n’est qu’un an plus tard que Xavier et sa famille s’établissent aux Limons de Toulotte. « Chercher des terres en Île-de-France, c’est très compliqué. Finalement, j’ai trouvé sur leboncoin.fr ! » Les parcelles sont pourvues de hangars qui servaient d’ateliers à un entrepreneur en bâtiment : ils sont désormais reconvertis en espace pour le maraîchage, équipés d’un réfrigérateur, d’une chambre noire, d’un espace de stockage du matériel… Autrefois cultivées en agriculture dite conventionnelle, avec des tracteurs de 240 chevaux, ces terres constituent un sol difficile à travailler pour Xavier, qui a commencé par une simple bêche. « À partir d’une feuille blanche, il faut recréer quelque chose de vivant. Je fais de l’agriculture bio, c’est-à-dire une agriculture qui va se fonder sur un équilibre vivant pour réussir à produire. » Après trois ans et un travail dans le respect des sols avec une utilisation restreinte du tracteur, la ferme est certifiée bio en mars 2017.

    Arrosage des plants de courgettes pour Xavier. ©Valérie Desgardin-Bourdeau

    Agroécologie et permaculture : ces deux termes sont les fondements du modèle développé par Xavier sur ses terres, même s’il ne se reconnaît pas en eux. « Ce sont des mots qui permettent de passer des messages, mais moi je n’ai pas encore de définition de mon modèle. Je me cherche. » Pour lui, son agriculture et sa ferme s’inspirent de la nature. Elles essaient de prendre une place dans l’environnement qui les accueille. La diversification permet de rechercher le meilleur équilibre. « C’est la résilience : cette capacité à rebondir face aux problèmes. L’équilibre va se trouver tout seul. Je peux apporter des éléments comme des arbres ou une mare, mais je n’en connais pas les effets précis », affirme Xavier.

    Les arbres pilier du modèle

    La météo est la principale difficulté pour Xavier dans son activité. Humble, il apprend à connaître sa terre petit à petit. Pour remédier à l’hydromorphie – une saturation régulière en eau – de ses terres, le maraîcher a pensé son projet autour de deux axes principaux : créer un plan d’eau et planter des arbres au milieu de ses cultures. « Afin d’avoir un bel équilibre global et écologique de la ferme, je vais diriger l’excédent d’eau vers une mare », explique-t-il. Dès l’été 2018, le point d’eau permettra, en plus de son rôle régulateur, le retour des crapauds, prédateurs naturels des limaces. Second axe de travail : l’agroforesterie. Ajouter des arbres dans l’agriculture « apporte une diversité au niveau du sol, des racines, de la captation d’eau. Les feuilles qui tombent nourrissent le sol, et cela permet d’avoir de l’ombre », précise le maraîcher. C’est l’apport de cette diversité peu commune dans le département d’Île-de-France que Fermes d’avenir a choisi de récompenser.

    Ces axes de travail fondaient la réussite du projet, dans la recherche du meilleur équilibre possible. « Les pommiers et poiriers ont été commandés avant la récompense de Fermes d’avenir : un premier lot de cent arbres pour faire un essai. L’objectif est d’avoir environ 250 arbres dans les rangées de légumes. » Bien que le rendement économique des arbres soit lent – il faut attendre deux à trois ans pour une première récolte –, Xavier continue de développer son activité, aidé par les 5 000 euros de récompense. Un verger tardif est aussi en cours d’élaboration. « La récompense de Fermes d’avenir m’a permis de conforter mon projet de cent arbres et de lancer sans attendre mon projet de mare. »

    Une ferme viable et humaine

    Avant même que le premier légume ne soit planté, Xavier avait déjà des contrats avec une AMAP, une Association pour le maintien d’une agriculture paysanne. Le maraîcher a à cœur de « connaître les gens qui consomment mes légumes. Ça met de la poésie, ça fait vivre quelque chose du début à la fin ». À tel point qu’il assure toutes les livraisons et qu’il connaît le prénom de chaque amapien. Pour eux, l’arrivée de Xavier répond à une attente. « Au marché, il n’y a presque plus de légumes. Et ce sont toujours les mêmes, hiver comme été. Avec les livraisons de Xavier, il arrive qu’on découvre de nouvelles variétés », raconte Sabine en pesant les légumes pour les répartir dans les paniers. Elisabeth est là depuis le début et apprécie le lien créé avec l’agriculteur : « Je suis contente de la qualité des légumes et surtout de l’investissement que l’on peut y mettre. Xavier nous convie une fois par mois à la ferme. » La confiance est un élément central de l’activité. Pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer, le maraîcher tient une page Facebook et envoie régulièrement une lettre d’informations électronique.

    Les amapiens des « échalottes de Toulotte » préparent la distribution des paniers. ©Valérie Desgardin-Bourdeau

    La « spécificité de [sa] ferme » – le maraîcher en est fier – est d’avoir réuni une équipe de quatre personnes autour de lui. « Rachel travaille avec moi et est en CDI depuis avril 2016. Lucie est apprentie à la ferme depuis septembre 2017. Alexandre est stagiaire en reconversion professionnelle, et l’autre stagiaire, Rémi, est en IME (institut médico-éducatif). » Cette main-d’œuvre permet à Xavier d’avoir une vraie qualité de vie, « ce qui me libère du temps, pour mes enfants, pour les papiers, pour les projets. Je ne me rémunère pas bien, mais c’est un choix personnel, pour pouvoir m’occuper de mes deux fils. » Xavier a trouvé un équilibre de vie qui lui convient. « Je prends même des vacances, ce qui peut paraître fou en agriculture », s’amuse-t-il. La ferme de Toulotte fournit un salaire complet à chacune des deux employées. À terme, Xavier souhaite pouvoir se rémunérer également : « Je serai vraiment content quand on pourra sortir trois salaires sur ces 4 hectares. »

    Xavier dispense ses conseils lors du repiquage de plants à Rachel et Alexandre. ©Valérie Desgardin-Bourdeau

    Aujourd’hui, son but est de fournir cent-vingt à cent-trente paniers répartis entre la Seine-et-Marne, Paris et Pantin. « Le chiffre de deux cents familles sur 4 hectares, c’est un bon ratio. Je n’ai pas envie de croître énormément et indéfiniment. La seule option que j’envisage, et que j’ai un peu de mal à mettre en place malgré tout, c’est une vente directe à la ferme. » Pour Xavier, plus que de s’agrandir, ce sont les racines qu’il a plantées avec la communauté autour de sa ferme de Toulotte qui comptent : l’équilibre qu’elles créent est sa richesse.

     

    Par Valérie Desgardin-Bourdeau – @Valdesgardin

     


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