« Peuple de la terre », les Mapuches s’organisent pour défendre
    la nature et leur culture

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    Dans la région de l’Araucanie, au sud de la cordillère des Andes au Chili, le peuple autochtone Mapuche lutte pour préserver ses terres ancestrales. Institutrice, Claudia Coñuiquir milite pour la défense de la forêt primaire, des eaux et des communautés pour sauvegarder leur culture. Kaizen a rencontré cette activiste lors d’une tournée française d’une délégation de Mapuches, organisée par l’association Départs, voyages solidaires  en octobre et novembre 2018.

    A quels problèmes environnementaux votre communauté est-elle confrontée ?

    L’Etat chilien et des entreprises internationales menacent de plus en plus les forêts primaires de notre région avec la déforestation. Leurs exploitations affectent l’environnement et la culture mapuche dans son essence spirituelle. Si la perte de la biodiversité est visible, le dommage spirituel ne l’est pas toujours pour le monde, mais il est réel, car la forêt est sacrée pour nous.

    Notre communauté lutte aussi depuis huit ans, contre le projet de construction d’un barrage hydroélectrique. Celui-ci aurait non seulement un impact important sur l’environnement, mais aussi sur nos villages car le projet est situé à moins de 300 m d’un site sacré où nous nous réunissons pour nos cérémonies spirituelles.

    C’est dans cette zone que nous cueillons aussi nos plantes médicinales et où nous utilisons l’eau de la rivière comme source de soin, d’eau potable et d’irrigation pour les cultures. Cette eau est également sacrée à nos yeux.

    Comment vous organisez-vous pour résister et trouver des solutions à cette menace ?

    Pour que de tels projets ne soient pas sur nos territoires ancestraux, nous avons le soutien depuis des années d’organisations de droits humains, notamment une ONG dans laquelle militent avec nous des avocats, des anthropologues et des psychologues, qui s’appelle L’Observatoire citoyen. Ensemble nous pouvons nous défendre. Nous avons ainsi engagé une procédure juridique pour s’opposer au barrage. Grâce à cette procédure, le projet qui avait été autorisé est pour l’instant bloqué.

    Volcan d’Araucanie ©Départs

    De quoi vit votre communauté ?

    Là où nous vivons, dans une zone de montagne de la cordillère des Andes, le climat est extrême. Nous ne pouvons pas produire une grande quantité de céréales, mais nous cultivons un peu de tout pour l’auto-production familiale. L’Etat pense que les Mapuches ne font rien, que nous dépendons des aides ou du salaire d’un particulier. C’est pour cette raison que depuis une dizaine d’année nous développons un petit projet de tourisme solidaire pour nous défendre contre l’Etat chilien. Ce type de tourisme est une manière de nous protéger, de protéger notre culture et notre territoire. Nous faisons en sorte que les quelques touristes qui viennent dans notre communauté connaissent notre terre, partagent le quotidien des familles tout en revalorisant notre culture. Les résultats sont très bons parce que non seulement cela aide beaucoup de Mapuches à se consolider culturellement et financièrement, mais cela évite aussi que l’Etat s’en prenne davantage à nos terres.

    Votre peuple souffre depuis longtemps de tentatives d’acculturation. Observez-vous malgré tout des évolutions ?

    Il y a en effet toute une génération de Mapuches qui a perdu notre langue mapudungun depuis la période du Président Pinochet dans les années 1980. Notre culture et notre langue se sont affaiblies. Mais depuis peu, l’Etat chilien a donné la possibilité aux instituteurs mapuches d’enseigner le mapudungun aux enfants, dès la petite enfance. C’est une bonne nouvelle que nous ne pouvons qu’approuver parce que cela nous permet d’éduquer les enfants en conscience pour mieux connaître leur culture.

    Moi, comme beaucoup d’autres instituteurs, nous nous sentons responsables de l’importance de cette transmission. Et nous sommes persuadés que la prochaine génération de Mapuches sera encore plus consciente !

    Propos recueillis par Sabah Rahmani

    Claudia Coñuiquir au premier plan à gauche©F.Basset

    RACHETER DES TERRES POUR CONTRER LES FORESTIERS

    Pour éviter l’acquisition de terres par des entreprises forestières, des communautés mapuches et des ONG se sont associées pour racheter des terrains de la Vallée de Curarrehue où vit la communauté de Claudia Coñuiquir. « Si l’on achète deux parcelles qui sont à l’entrée de la vallée, les associations en seraient les propriétaires et cela empêcherait les exploitants forestiers de se rendre dans les autres parcelles », explique Jean-Claude Audigier, fondateur de l’association Départs, voyages solidaires. Si l’une des deux parcelles a pu être rachetée, la deuxième reste encore à acquérir pour la somme de 180 000 € les 60 ha. « Leur vallée va déjà être occupée par des usines hydroélectriques, sans compter les exploitants forestiers qui convoitent eux aussi cette zone. Il est donc essentiel de contrer cette avancée car ces derniers occupent déjà 95 % des terres ancestrales mapuches dans le pays », ajoute l’organisateur de la tournée de la délégation mapuche en France.


    Pour aller plus loin et soutenir le rachat des terres :

    Départ Voyages solidaires

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