Comment vivre ensemble autrement ? En s’appuyant sur des valeurs écologiques, solidaires et humanistes, les oasis proposent d’incarner de nouveaux lieux d’habitats partagés. En France, les initiatives se font de plus en plus nombreuses, avec plus de 300 oasis sur le territoire et près de 200 en cours de projet. Inspirées par la philosophie de Pierre Rabhi, elles sont encouragées et souvent accompagnées par le mouvement Colibris. Rencontre avec l’agriculteur qui voit dans les oasis un outil précieux pour la transition.
Comment l’idée de créer des « oasis en tous lieux » est-elle née ?
L’idée est née du constat que la logique de la modernité ne tient plus. Celle-ci s’est construite sur un mythe selon lequel on pourrait créer du bonheur grâce à elle. Or le résultat est que nos sociétés produisent plus d’angoisse et de solitude.
Parce qu’elles favorisent savoir-faire, partages et échanges, vous pensez que les oasis sont une alternative au modèle capitaliste qui génère accaparement des richesses, au détriment de la logique du vivant. Cette utopie est-elle aujourd’hui possible à plus grande échelle ?
Non seulement elle est possible, mais il ne faut pas tarder à la réaliser. Les oasis sont une anticipation sur l’évolution générale du système social.
Dans les habitats partagés, les aménagements tels que l’énergie renouvelable, les services rendus ou la mise en commun du matériel, etc., ne suffisent parfois au bon vivre ensemble. Pourquoi selon vous ?
En effet, même si on voit des choses qui sont structurellement bien organisées, parfois cela explose parce que l’on n’a pas intégré le facteur essentiel : le changement humain. D’où viennent les querelles ? Si l’humain lui-même n’a pas fait le travail sur son propre changement, comment peut-il opérer un changement dans la société ?
Comment déclencher la prise de conscience de notre oasis intérieure ?
Avec le fameux connais-toi toi même de Delphes : c’est l’élément fondamental, sans lequel rien ne change. Car je peux très bien aller manifester contre ceci ou cela, et rentrer chez moi et pourrir la vie de ceux qui m’entourent. A quoi cela sert si la paix que je recherche, je n’arrive pas à la réaliser là où je suis ? Il faut chercher une forme de cohérence. Un être humain peut vivre dans un palais et être malheureux, ou être dans une masure et très heureux. Car le bonheur en soi n’est pas lié à la matière. Il est lié à l’état d’esprit.
Les oasis contribuent à créer une forme d’autonomie locale. Cette autonomie favorise-t-telle la liberté ?
Oui, car plus on tend vers la sobriété, en renonçant à des choses superflues, moins nous sommes dépendants. Les impératifs incontournables se résumant à se nourrir, se vêtir, se loger, se soigner et se former.
Le problème aujourd’hui est que notre système a favorisé l’apparition d’une frange de l’humanité qui surconsomme, gaspille et jette. En créant des oasis on résiste beaucoup mieux à ce modèle qui nuit à l’écologie et à l’humanité.
Comment s’organisent les oasis traditionnelles, comme celle où vous avez grandit dans le désert ?
Dans une oasis, l’organisation du végétal se présente en trois niveaux : le plus élevé, avec le palmier dattier qui donne ses fruits et s’ouvre comme un parasol dans un lieu où l’ensoleillement solaire est terrible. L’ombre des palmiers permet alors aux arbres fruitiers de pousser quelques mètres plus bas, formant le deuxième niveau. Puis le troisième niveau, au raz du sol, est quant à lui occupé par un jardin varié où poussent des céréales et des légumes.
C’est d’autant plus merveilleux que dans une oasis, tout le monde a accès à la nourriture alors que l’on vit au milieu d’un immense désert. Et ce n’est pas une utopie !
Propos recueillis pas Sabah Rahmani