Le potager de Paris allie production biologique et réinsertion professionnelle

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    Le potager de Paris est une ferme maraîchère biologique, située au cœur du bois de Vincennes. Plus gros potager urbain de la capitale pour l’instant, elle accueille des femmes et des hommes en réinsertion professionnelle, pour leur permettre de retrouver un emploi.

    « Ici, ça ne va être que du naturel : compost, paillage, foin et fumier ! » s’enthousiasme Frédéric Desboeufs sous son chapeau de maraîcher. Sous le soleil printanier, Frédéric et son équipe de huit personnes aèrent les sols et délimitent les bandes de terre à cultiver à l’aide de fils tendus, puis les recouvrent à grand renfort de paille pour éviter l’évapotranspiration du sol fraîchement arrosé. Il ne restera plus qu’à planter tomates, fèves, courgettes et autres solanacées.

    Fin des cultures fourragères pour cette parcelle de 3 500 m² au cœur du bois de Vincennes : place au maraîchage bio intensif fondé sur les techniques de la permaculture ! Insectes auxiliaires, plan de rotation des cultures et grelinettes, tout est prêt pour produire des légumes dans ce nouvel espace de biodiversité urbaine. Né des volontés de végétaliser la ville et d’aider des gens à se réinsérer, le chantier « potager de Paris » se développe dans le domaine de la ferme de Paris situé dans le bois de Vincennes. C’est à l’association Interface Formation, structure spécialisée dans l’Insertion par l’Activité Économique (IAE) et l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), qu’a été dévolue la tâche de faire revivre le sol de ce potager.

    Celle-ci a pour but d’accompagner et de former des personnes en difficulté socioprofessionnelle. Elle permet ainsi à ces salariés de trouver, par la suite, des emplois stables grâce aux compétences acquises lors de chantiers d’insertion, notamment en espaces verts.

    L’essentiel des travaux sur la parcelle du Potager de Paris se fait à la main. ©Valérie Desgardin-Bourdeau

    Circuit court et cercle vertueux

    « On privilégie les personnes qui veulent travailler dans les espaces verts et qui ont un projet à long terme », précise Marie, conseillère en insertion sociale et professionnelle chez Interface Formation. L’association emploie des personnes en rupture de parcours professionnel (fin de droits Pôle Emploi, RQTH – reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé…) sur des chantiers espaces verts de la petite ceinture de Paris.

    L’appel à projets lancé par la ville de Paris en mars 2017 s’inscrit dans un plan de végétalisation de la capitale prévoyant 100 hectares supplémentaires de végétation à Paris d’ici 2020, dont 30 hectares spécialement dédiés à l’agriculture urbaine. Ici, l’association prévoit une production d’environ 18 tonnes de fruits et légumes bio par an, répartis sur une vingtaine de variétés. De quoi approvisionner en circuit court les habitants aux alentours. « On va partir sur des paniers, c’est-à-dire que les consommateurs n’auront pas le choix : ils vont découvrir les légumes de saison. La vente sera faite ici, à la ferme de Paris, et par nos soins car l’association forme également des vendeurs, salariés de O’potager de Menil », explique Frédéric Desboeufs, formateur et référent technique de l’association Interface Formation au potager de Paris. « Actuellement, on se fournit chez des producteurs locaux périurbains. Cette production, à la ferme de Paris, nous permettra de gérer de A à Z notre boutique », ajoute le formateur. À la résilience de la nature, les emplois créés par l’association ajoutent ainsi une voie de résilience pour des femmes et des hommes en recherche d’emploi.

    Salariés, motivation et espaces verts

    L’association a trouvé deux marraines pour se pencher sur le berceau du potager de Paris : la fondation Truffaut et la fondation Carrefour. Ces dernières ont permis de financer l’aménagement de la parcelle avant la première récolte et ainsi de patienter jusqu’aux premières ventes. Le projet prévoit également des ateliers pédagogiques, ainsi que des visites au public. « Nous allons présenter aux gens la richesse du végétal et comment le traiter dans le respect de l’environnement », explique Frédéric Desboeufs. « Souvent, il suffit de regarder ce qu’il y a autour de soi et on peut faire des choses : c’est gratuit, c’est efficace, c’est bon pour la biodiversité. »

    Pour fonctionner, l’association utilise des CDDI, contrats à durée déterminée d’insertion, financés par l’État, la région et Pôle Emploi (la rémunération est au SMIC sur vingt-six heures). « Interface Formation garde ses salariés un an. On considère que si on les gardait deux ans, comme le dispositif le permet, cela les habituerait à un certain confort et qu’ils seraient, dès lors, moins assidus dans la recherche d’un emploi. C’est aussi pour leur permettre de conserver un an de droits supplémentaire, au cas où il y aurait un accident de parcours », explique Frédéric Desboeufs. « Une part importante de notre travail consiste aussi à leur apprendre à se présenter au téléphone. On insiste également sur la tenue vestimentaire parce qu’ils ne doivent pas arriver en survêtement et casquette à un entretien. » Frédéric Desboeufs en est convaincu, « ce sont des petites choses qui font la force de cet apprentissage : tenue, posture… Certains ont perdu cela, d’autres n’ont jamais eu ces acquis. L’important, c’est de ne pas se marginaliser. Une sortie positive de ce dispositif est un emploi, qu’il soit dans les espaces verts ou non », philosophe-t-il.

    Alain et Nabil délimitent les espaces de cultures à l’aide de piques et de fils. ©Valérie Desgardin-Bourdeau

    « On a des bons sujets de conversation pendant les pauses. Quand je vois qu’ils n’en trouvent pas, j’interviens pour faire le liant, commente Frédéric Desboeufs. Dans l’ensemble, il y a un partage de savoir-faire. Ils s’enrichissent de leur diversité. Il y a aussi une mixité au niveau des origines : Côte d’Ivoire, Égypte, Algérie, nord de la France. On partage énormément au moment des repas, quand les uns et les autres apportent leurs spécialités et les expliquent. C’est une très belle zone d’échanges. » Marie, la conseillère, confirme : « Le fait qu’ils soient en groupe leur apporte une certaine dynamique. »

    Des projets mûrement réfléchis

    Ce matin, l’ambiance est studieuse. Les huit salariés de l’association préparent avec soin la parcelle pour les futurs plants. Dans cette masse de gilets orange, Alexia se démarque, toute de vert vêtue. À 45 ans, elle est la seule femme du groupe. Elle a choisi de se réinsérer grâce à la nature, et ce monde essentiellement masculin ne l’impressionne pas : « Je change complètement de corps de métier, avant j’étais dans la vente. J’avais besoin d’être à l’extérieur. » C’est aussi pour elle l’occasion de s’autoriser la réalisation de ses rêves : « Je souhaite créer ma propre entreprise de repas ambulants, sur un vélo. Des repas préparés à partir de produits que j’aurai fait pousser en potager ! »

    Alexia aère le sol de la parcelle à l’aide d’une grelinette ©Valérie Desgardin-Bourdeau

    Trésor, 19 ans, le benjamin du groupe, souhaite lui aussi travailler dans les espaces verts, même s’il n’a pas encore de projet précis. Pour Alain, 55 ans, cheveux blancs et avant-bras tatoués, le chantier d’insertion est une clé pour revenir dans le circuit professionnel. Sa conseillère en insertion, Marie, explique ainsi que « les entreprises ont plus de difficultés à embaucher une personne qui est à un âge avancé. Si la personne est très motivée et qu’elle a un an d’expérience ici, c’est un atout. Alain a déjà en tête un projet précis avec une entreprise qui est prête, en tout cas aujourd’hui, à l’engager avec le certificat de qualification professionnelle qu’il obtiendra. La formation n’était que la petite marche qui manquait pour le retour à l’emploi. »

    Ce jour-là, à l’ombre de la camionnette de l’association, elle rend visite aux salariés pour les entretiens bimensuels. « Je fais le point avec eux sur tout ce qui est autour du projet : les éventuels freins à l’emploi, ce qui peut bloquer, ce qui peut être mis en place. Mais je suis là aussi pour parler des démarches sociales, administratives et faire le point sur leur projet, ce qui reste à mettre en place. » L’accompagnement est global : les salariés, futurs diplômés, auront acquis ici de nouvelles compétences, de nouvelles graines germées plantées dans leurs vies.

     

    par Valérie Desgardin-Bourdeau – @Valdesgardin

    Lire aussi : « Un CDI pour tous avec territoire zéro chômeur », Kaizen no 36, janvier-février 2018.

    Lire aussi : V’île fertile, un maraîchage urbain dont vous êtes le héros

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