Souvenez-vous, c’était hier, nos ancêtres ramassaient les œufs, cueillait les champignons, préparaient une omelette et se réchauffaient au coin du feu. Depuis, le progrès a amélioré nos conditions de vie, c’est indéniable ! Mais dans son sillage sont apparus quelques dommages collatéraux. Souvent sont cités : la pollution, l’impression de perte de temps, la déconnexion du vivant… mais on oublie généralement le diktat des indicateurs.
Ils sont devenus la boussole, l’alpha et l’oméga de nos sociétés : CAC 40, taux de croissance, taux de chômage, PNB, CA… Ils sont partout : en bas des écrans des chaînes d’info, dans les rapports d’activité des entreprises, dans les dossiers des ministres – en vue des arbitrages budgétaires –, dans les bulletins de notes des élèves, sur les pages Web des restaurants, des plateformes et, depuis un an, voilà qu’ils dictent les politiques gouvernementales : chaque jour, la funeste litanie des « chiffres officiels » de la Covid-19 – nombre de morts, d’hospitalisés ou de contaminés. On pourrait se demander pourquoi l’indicateur des morts liées à la pollution n’est pas considéré depuis des années – pour mémoire, 48 000 par an en France [lire notre enquête à paraître dans le numéro de Mars Avril 2021] –, mais c’est un autre débat !
Si l’on résume, nos vies modernes sont conditionnées par des chiffres et des tableaux Excel. Prosaïquement, si la croissance est de +2 %, c’est bien, +0,5 %, c’est nul ! Pourtant l’indicateur croissance cache des paradoxes. Ainsi quand on est coincés dans un embouteillage, c’est comptabilisé comme de la croissance, alors que ce n’est pas la situation la plus agréable. À l’inverse, regarder le soleil se lever et écouter les oiseaux chanter, souvent un moment heureux, ça ne vaut rien : zéro !
Nombreux sont donc ceux qui demandent à changer les indicateurs, en intégrant par exemple la notion de bonheur, comme l’a fait le Bhoutan avec son BNB (bonheur national brut). Cette demande existait avant la Covid-19, elle reste d’actualité. Typiquement : le mal-être psychologique des gens, notamment des jeunes, lié aux mesures sanitaires, est-il plus ou moins préoccupant que le nombre de morts, d’hospitalisés, de contaminés ? L’État peut-il rouvrir les universités, les salles de spectacle, les restaurants pour tenter d’enrayer ce mal-être et quitte à provoquer – et assumer – plus de décès ?
Sur le registre environnemental, les opposants à des réformes radicales utilisent ce même faux dilemme. Ils martèlent que l’indicateur chômage exploserait si l’on entamait une politique de décroissance, qui réduirait de facto les émissions de gaz à effet de serre (GAS), et qu’il est plus important que l’indicateur extinction des espèces et de la biodiversité.
Il est temps d’ouvrir ce débat démocratique : quels indicateurs pour présider à notre destinée ? Devons-nous à jamais subir le taux de croissance économique comme un joug ?
Mais le sujet est plus complexe qu’il n’y paraît.
Quand nous avons créé Kaizen, en 2012, notre choix fut le suivant : « Créons une SARL pour voir si notre discours, nos valeurs peuvent être appliqués dans le modèle existant. »
Et comment mesurons-nous l’adaptation de notre modèle entrepreneurial au modèle économique existant ? Par le biais d’indicateurs !
Depuis neuf ans, nos indicateurs ne sont ni médiocres ni excellents, Depuis neuf ans, nous sommes sur un équilibre économique fragile, mais qui tient ! Certaines années un peu au-dessus, d’autres un peu en dessous. Dans les faits, cela permet de salarier huit personnes en interne, de collaborer avec une douzaine de prestataires et de nombreux pigistes, artistes-auteurs et indépendants pour produire une information que nous estimons de qualité. Rien de plus. Pas de bénéfices versés à des actionnaires et beaucoup d’énergie déployée par l’équipe.
Mais depuis deux mois, certains de nos indicateurs sont mauvais : -50 % de chiffre d’affaires sur notre boutique en ligne. Pendant qu’Amazon vit l’inverse…
À ce jour, nous n’avons pas d’idées complètement précises sur les raisons de cette chute. Nous analysons les données ! Est-ce lié aux crises sanitaire et sociale à la concurrence, à notre offre, à nos outils ? ? Si vous avez des remarques constructives à nous partager, nous lirons avec attention vos retours.
Or dans l’équipe, nous nous sentons plutôt bien, nous sommes super motivés et avons le sentiment de bien faire notre travail, et que celui-ci est encore plus nécessaire face à ces crises. Le ressenti interne est inverse aux indicateurs ! Foutus indicateurs !
Mais, c’est là où le système est vicieux, ce sont bien les indicateurs qui vont être décisifs dans les mois à venir. Que ce soit chez Kaizen ou ailleurs, quand les rentrées d’argent sont insuffisantes, il faut faire des choix ! Et d’une façon ou d’une autre, ces choix impactent des êtres humains.
Certains me soufflent à l’oreille que dans le cas de Kaizen, « faire du chiffre » est moins problématique que chez Dassault ou Total, car nous avons une mission, des valeurs. C’est sans doute vrai. Mais cela signifie en creux que nous sommes coincés par le système ! Voudrions-nous travailler autrement, quitte à « faire moins de chiffre », nous ne le pourrions pas ! Ce chiffre est en effet nécessaire pour éditer six bimestriels, quatre hors-séries, des articles en ligne, salarier huit personnes en interne et rémunérer tous nos prestataires et collaborateurs externes. Des magazines comme Terra eco ont subi cette « loi du marché ».
Soyez tranquilles, nous n’en sommes pas là.
Mais notre exemple pose deux questions :
- Sommes-nous en capacité d’entamer, collectivement, individuellement, un processus de décroissance et de résilience ?
- Pouvons-nous nous adapter au modèle dominant ou celui-ci est-il intrinsèquement délétère ?
Questions qui peuvent sembler naïves. Je vous laisse mettre la note que vous voulez !
Nous souhaitons créer des contenus qui donnent à penser, des espaces de dialogue, de réflexion pour faire émerger des solutions et tendre vers une société respectueuse du vivant et libérée du diktat des indicateurs.
Le rire d’un enfant, le chant d’un rossignol, un baiser sur la joue, une caresse sur la main ne sont pas quantifiables. Ils n’ont pas de prix !
Créons ensemble cette nouvelle histoire !
Pour dessiner cette nouvelle société, nous avons besoin de vous. Et je mesure l’ambivalence de cette conclusion.
Si vous avez l’envie et la possibilité de nous soutenir, nous vous proposons un pacte inspiré de certains peuples racines : le don/contre-don. L’anthropologue Marcel Mauss décrit en effet le don comme « une prestation obligeant mutuellement donneur et receveur et qui, de fait, les unit par une forme de contrat social ». Le donneur a une forme de prestige ou d’honneur lié au fait de savoir donner, quant au receveur, il doit d’abord savoir recevoir et ensuite savoir rendre un « équivalent » de ce qu’il a reçu. « Donner, ce n’est pas d’abord donner quelque chose, c’est SE donner dans ce que l’on donne […] c’est une procédure de reconnaissance publique entre partenaires », indique, de son côté, le sociologue Jacques T. Godbout.
Côté don, c’est ici. Quel que soit le montant – à partir de 5 € –, vous bénéficiez d’une déduction fiscale de 66 %.
Côté contre-don, nous nous engageons à garder le cap, à chercher sans relâche des solutions écologiques et sociales et à vous les partager par tous les moyens dont nous disposons.
Nous vous remercions infiniment pour votre soutien.
Bon courage pour la suite moi même luttant de mon côté avec ma femme (et ce status) dans notre entreprise afin de reconnecter l’homme à la nature par le billet d’activités initiatrices liées au jardinage… à savoir les jardins de Pouco.
Bon vent