(Ré)Apprendre à respirer

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    La respiration est l’acte le plus naturel et spontané de notre quotidien. Pour autant, nous ne l’utilisons pas toujours à son maximum d’efficacité. Or, il est possible, avec un peu d’entraînement, d’en cerner les mécanismes et de mieux l’apprivoiser pour gagner en vitalité et sérénité.

    « Deux pas, j’inspire; deux pas, j’expire. Sentez bien cette respiration qui part du bas du sacrum et qui longe la colonne vertébrale jusqu’à la nuque, redressez la tête, et commencez à relâcher les jambes, les articulations… Lentement, vous pouvez maintenant passer à trois pas… » En ce jeudi de rentrée, sur les tatamis du Dojo Kaizen de Villenave d’Ornon, commune de Bordeaux Métropole, c’est l’heure de la reprise pour les six élèves d’Hubert Maillard de la Morandais, professeur d’arts martiaux et coach en respiration.

    Pour autant, pas de kimonos de judo ici, ni d’aïkidogis d’aïkido. Les six participants du jour se sont simplement déchaussés avant de marcher lentement sur les tatamis, traçant de grandes courbes, sans se toucher, les yeux dans le vide, centrés sur leur respiration intérieure. Progressivement, ils montent jusqu’à leur maximum de pas par inspiration et expiration avant de redescendre tout aussi lentement à « un pas, j’inspire; un pas, j’expire ».

    Au Dojo Kaizen, la gymnastique respiratoire, basée sur la méthode Reboot, débute toujours par une marche et des exercices aidant à retrouver sa respiration naturelle ©Véronique Bury

    Respiration naturelle

    « On débute toujours le cours par une marche respiratoire afin de commencer à éliminer les tensions », explique le maître des lieux qui s’est formé auprès d’Yvan Cam, créateur de la méthode Reboot, dont l’objectif est d’aider chaque personne à retrouver sa respiration naturelle. Car « on ne s’en rend pas compte, mais la majorité de la population ne respire pas correctement aujourd’hui », affirme Hubert.

    Une bonne respiration naturelle qui utilise l’ensemble de la chaîne respiratoire

    La raison? « Nos vies de plus en plus sédentaires et stressantes », assure-t-il. Le fait de travailler de longues heures devant un ordinateur, d’être moins actif ou, à l’inverse, de répéter toujours les mêmes gestes sur des postes peu adaptés amène les gens à prendre de mauvaises postures. Au fil du temps, « ces postures et ce stress finissent par engendrer des tensions dans le corps qui perturbent la respiration naturelle : certaines personnes se retrouvent en hyperventilation, avec une respiration plus thoracique que ventrale, et d’autres passent en hypoventilation, la cage thoracique complètement compressée ». La respiration devient alors de moins en moins souple et ample, de plus en plus limitée. Tout le contraire d’une bonne respiration naturelle qui utilise l’ensemble de la chaîne respiratoire, du plancher pelvien au plancher claviculaire en passant par le plancher diaphragmatique.

    Selon les spécialistes, « si nous ne sommes pas capables de tenir un cycle respiratoire de “quinze secondes, j’inspire; quinze secondes, j’expire” sur quelques minutes avant de reprendre un rythme normal, c’est que des tensions nous en empêchent ». Il faut apprendre à débusquer ces zones de blocage pour les dénouer peu à peu et ainsi retrouver une respiration moins crispée. « C’est la première chose à faire avant même de parler de techniques de respiration », assure Hubert.

    ©Véronique Bury

    Sur les tatamis, les élèves sont désormais installés en cercle. Après avoir effectué plusieurs séries de squats (flexions des jambes), en veillant à synchroniser leurs mouvements avec leurs temps d’inspiration et d’expiration, Hubert les invite à enchaîner quelques pompes au sol. « On peut aussi se mettre à quatre pattes sur les genoux; l’important n’est pas de se muscler, mais de travailler son alignement corporel. Allez, vous descendez à l’expire et vous remonter à l’inspire… encore, les élèves vont tenter, exercice après exercice, de monter à leur maximum… Une pompe, puis deux pompes totales à l’inspire, une pompe puis deux pompes totales à l’expire. L’objectif est de travailler l’une après l’autre les trois zones de cette respiration naturelle afin d’en ressentir le passage en action.

    Allongés sur le dos, les mains posées en pince sur les hanches, ils respirent ensuite paisiblement en se relâchant et en se focalisant sur le chemin intérieur de leur souffle afin de lui faire le plus de place possible. Ce n’est qu’une fois cette respiration naturelle retrouvée et conscientisée qu’ils pourront passer à la suite de l’apprentissage: le travail au niveau physiologique

    Respiration physiologique

    Dans cette partie, le coach s’appuie sur des exercices rythmés par des phases d’apnée poumons vides ou pleins afin de renforcer le seuil de tolérance au CO2 et ainsi améliorer les échanges gazeux internes. Le CO2 facilite en effet la capacité de notre corps à capter l’oxygène. « Une personne qui n’est pas capable de tolérer suffisamment le CO2 et qui le recrache trop rapidement, notamment lorsqu’elle se retrouve en hyperventilation, ne viendra pas nourrir ses cellules en oxygène de la même manière », assure le coach.

    Le plus important n’est pas la technique, mais la compréhension des mécanismes de la respiration

    Ce n’est qu’après plusieurs séances de ce travail que les élèves pourront expérimenter des techniques telles que la cohérence cardiaque, la respiration au carré ou encore le 4/7/8, et ainsi entrer dans la phase plus émotionnelle et mentale de la respiration. Pour cela, « il faut avoir déjà acquis les bases de la respiration naturelle, jauge le coach, sinon c’est compliqué. On parle, par exemple, souvent du 4/7/8 pour faciliter l’endormissement, mais si on n’a pas effectué ce premier travail en amont, si on n’a pas appris à s’apaiser, si on n’a jamais fait d’apnée, on risque de se retrouver en difficulté à chaque fois et cela ne fonctionnera pas ! Il faut que cela soit confortable. »

    Pour lui, finalement, le plus important n’est pas la technique, mais la compréhension des mécanismes de la respiration. « C’est comme si on avait deux pédales, une de frein et une d’accélérateur. Quand j’inspire, j’active mon système orthosympathique et quand j’expire, c’est mon système parasympathique. Donc, si j’inspire trop, j’excite mon système ortho et je me réveille et, à l’inverse, si j’expire longtemps, lentement, j’apaise mon système nerveux et je m’endors. » Une fois que l’on a compris cela, on peut s’amuser à tester ces techniques afin de trouver celles qui nous font du bien en fonction des moments de la journée.

    ©Véronique Bury

    « Chef d’orchestre de mon bien-être »

    C’est ce que Pascale, 53 ans, a découvert en commençant cette formation il y a trois ans. « Je me suis rendu compte que ma respiration était le chef d’orchestre de mon bien-être », assure cette chargée de mission en expertise comptable qui s’est intéressée à ces cours de respiration après avoir testé le yoga et le pilates sans y trouver son compte. « Cela m’aide à ralentir quand tout va trop vite, notamment au travail, affirme-t-elle. Cela m’apporte beaucoup aussi au niveau de la posture, je me suis redressée. »

    Virginie, elle, a commencé sur les conseils d’un collègue: « J’étais curieuse et j’ai eu envie de voir à quoi cela pouvait ressembler », sourit cette ancienne handballeuse de haut niveau. Elle a rapidement été séduite. « Non seulement, j’ai réalisé que je suffoquais dans certaines situations de stress, mais j’ai aussi très rapidement ressenti l’intérêt de travailler sur ma propre respiration. » Aujourd’hui, après un mois d’apprentissage, la jeune trentenaire se sent plus apaisée dans son quotidien, plus stable dans son corps et plus sereine dans ses choix de vie. À croire que se réapproprier sa respiration, la ressentir et la vivre pleinement, inconsciemment ou consciemment, permet aussi de prendre « de la hauteur » ou « du recul » par rapport aux aléas de la vie.

    « S’ouvrir à la respiration, c’est aussi s’ouvrir à la vie »

    David, 43 ans, dont l’entreprise est en dépôt de bilan, l’affirme. Ces séances hebdomadaires qu’il suit depuis quatre ans lui ont permis d’aller « vers un apprentissage du lâcher-prise ». La respiration l’aide au quotidien pour se vider la tête, mais aussi pour se recentrer sur ses valeurs et ainsi lever les freins qui pourraient l’empêcher d’avancer. « Apprendre à mieux respirer m’a aidé à être davantage à l’écoute de mon corps et à en comprendre les crispations. Aujourd’hui, cela m’aide à mieux me détendre tout en étant plus ancré au fond de moi. » Une façon de confirmer l’adage de leur professeur selon lequel « s’ouvrir à la respiration, c’est aussi s’ouvrir à la vie ».


    Et si vous passiez à l’acte ?

    • Pour qui ?

    Il n’y a pas d’âge pour apprendre à mieux respirer. Pas de contreindications non plus. Que l’on soit sportif, non sportif, jeune ou plus âgé, porteur d’un handicap ou en convalescence, ce travail sera toujours bénéfique.

    • Où et à quel coût ?

    La méthode Reboot, développée par Yvan Cam, et dispensée par lui et tous ceux qui ont suivi sa formation, est la porte d’entrée idéale pour travailler la mécanique respiratoire et retrouver une bonne respiration naturelle. Mais il est tout à fait possible de commencer à travailler sur sa respiration avec des maîtres yogis ou des sophrologues. Dans tous les cas, comptez entre 15 et 20 euros la séance d’une heure en présentiel, beaucoup moins en suivant une formation en visio (entre 170 et 200 euros pour dix mois pour une séance d’une heure par semaine).

    • Avec quel équipement ?

    Pas besoin d’investir dans un équipement particulier, si ce n’est peut-être dans un tapis de yoga si vous optez pour les séances en visio. Pour le reste, une tenue confortable sera suffisante.

    • Quels bienfaits ?

    Travailler sur sa respiration permet d’améliorer sa posture et d’évacuer les tensions en luttant contre le mal de dos et les troubles musculo-squelettiques (TMS). Cela permet également de renforcer les échanges gazeux internes et, ainsi, de mieux oxygéner son corps. C’est un gage d’une plus grande vitalité et une excellente manière d’apprendre à mieux se connaître pour être capable de s’autoréguler au quotidien en jouant juste avec sa respiration.


    POUR ALLER PLUS LOIN

    • Yvan Cam, La Maîtrise du souffle, Solar, 2021
    artdelarespiration.fr

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