Règles Élémentaires contre la précarité menstruelle dans la rue

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    Avoir ses règles, cela peut coûter cher. Parfois, acheter des protections hygiéniques est un luxe que certaines femmes ne peuvent s’offrir. Depuis 2015, l’association Règles Élémentaires organise des collectes partout en France pour lutter contre la précarité menstruelle.

    « Nous sommes en plein inventaire ! J’ai essayé de ranger un peu mais il y a des cartons partout, prévient Maud Blesteau, directrice générale de Règles Élémentaires. Comme nous ne voulons pas trop stocker de protections menstruelles mais plutôt les distribuer le plus efficacement possible, nous les comptons, les rangeons dans des cartons pour savoir quoi donner aux associations suivant leurs demandes ». Depuis un an, l’association a pris ses quartiers parisiens dans le 14e arrondissement, aux Grands Voisins, dans l’ex-hôpital Saint-Vincent-de-Paul reconverti temporairement en centre d’hébergement pour demandeurs d’asile et QG de nombreuses associations, artistes et jeunes entreprises. Dans les bureaux de Règles Élémentaires, Maud et Caroline, une bénévole, référencient précautionneusement les protections menstruelles récoltées.

    Règles Élémentaires lutte contre la précarité menstruelle en collectant des protections hygiéniques / ©Cypriane El-Chami
    Sacs de protections hygiéniques collectées par Règles Élémentaires / ©Cypriane El-Chami
    Règles Élémentaires lutte contre la précarité menstruelle en collectant des protections hygiéniques / ©Cypriane El-Chami
    Le contenu des cartons est précisé à l’extérieur, avec le type de protections hygiéniques (tampons, serviettes) ainsi que leur nombre / ©Cypriane El-Chami

    « Ce que nous voulons, c’est que les femmes aient le choix »

    Créée en 2015, Règles Élémentaires met en place des points de collecte de protections menstruelles en France. Tampons, serviettes hygiéniques, coupes menstruelles… L’association accepte toutes les protections hygiéniques, quels que soient leur marque ou format. Une diversité à laquelle Maud Blesteau tient. « Imaginez que vous alliez en supermarché acheter des protections menstruelles et que vous n’ayez qu’un seul choix. Ce serait très frustrant pour vous, s’exclame-t-elle. Eh bien là, c’est pareil. Ce que nous voulons, c’est que les femmes aient le choix ».

    Règles Élémentaires lutte contre la précarité menstruelle en collectant des protections hygiéniques / ©Cypriane El-Chami
    Exemple de boîtes à dons, données par Règles Élémentaires pour les collectes de protections menstruelles / ©Cypriane El-Chami

    Dans plusieurs villes de France, des « boîtes à dons » ont été disposées dans des lieux publics pour que chacun.e puisse venir y déposer un tampon emballé, un paquet de protège-slip ou encore des serviettes hygiéniques lavables. C’est le cas du Buro des Possibles, un « coworking café » à Bordeaux. L’établissement est le premier à avoir récupéré une boîte à dons de Règles Élémentaires, en février 2019. Et le concept n’a pas tardé à séduire la clientèle du Buro des Possibles. « Parfois, des clientes aperçoivent la boîte en mangeant ou en travaillant ici et elles reviennent ensuite pour déposer des protections hygiéniques. Sinon, ce sont des personnes qui ont vu passer l’information dans les médias ou sur nos réseaux et qui, du coup, viennent spécialement pour cela, explique Alexandra Maillet, co-associée au Buro des possibles. Nous avons même reçu des colis pleins de protections hygiéniques ! »

    Un circuit de solidarité contre la précarité menstruelle

    Une fois la boîte à dons pleine, Marie, bénévole et responsable de la collecte à Bordeaux pour Règles Élémentaires, se charge de l’inventaire des produits récoltés. Depuis février 2019, ce sont ainsi près de 3 000 produits qui ont été récupérés auprès du Buro des Possibles. Marie distribue ensuite les produits hygiéniques auprès de six structures locales, dont Les Maraudeurs de Bordeaux, le Comité d’Étude et d’Information sur la Drogue et les Addictions ou encore le squat L’Ascenseur.

    À Paris, le Samu social fait partie des structures partenaires, qui récupèrent des protections hygiéniques collectées par Règles Élémentaires. Une partie est alors distribuée à des centres d’hébergement d’urgence comme la Halte de l’Hôtel de Ville, ou aussi aux bains-douches rue de Charenton (un lieu d’hygiène et de soin pour les femmes sans-abri). Une autre partie est confiée à des équipes mobiles, pour être distribuée avec des kits d’hygiène lors de maraudes.

    À l’échelle nationale, Règles Élémentaires a passé la barre du million de produits récoltés et 650 000 protections hygiéniques ont déjà été distribuées à près de 150 associations partenaires depuis 2015. Certains produits ont dû être refusés pour des raisons d’hygiène, ou sont encore stockés, en attendant d’être donnés. « L’objectif n’était pas de remplacer les travailleurs sociaux, qui savent bien mieux aller à la rencontre des femmes en situation de précarité que nous, explique Maud Blesteau. Nous essayons de mettre en relation des partenaires, à l’échelle locale. »

    Règles Élémentaires lutte contre la précarité menstruelle en collectant des protections hygiéniques / ©Meg Gagnard
    Règles Élémentaires lutte contre la précarité menstruelle en collectant des protections hygiéniques / ©Meg Gagnard

    Pour une gratuité des protections menstruelles

    Par ces actions, Règles Élémentaire s’attaque à la précarité menstruelle des femmes sans-abri, pour lesquelles la question des protections hygiéniques est trop peu traitée. « L’enjeu de la précarité menstruelle n’était pas abordé il y a encore une dizaine d’années, parce que la question SDF était très androcentrée, se souvient la sociologue Marie Loison-Leruste. La figure féminine était totalement absente de la plupart des recherches sur l’accompagnement social de ces publics. Aujourd’hui, il y a une vraie prise de conscience qu’un certain nombre de femmes vivent dans des situations de précarité très importantes. »

    En 2015, d’après une étude publiée par le Huffington Post, les règles coûtent en moyenne 23 500 €, dans une vie. Cela représente environ 675 € par an, une réalité difficile pour beaucoup de femmes, notamment les femmes sans domicile (qu’elles soient en centre d’hébergement ou sans-abri). En France, la TVA sur les protections menstruelles a été rabaissée en janvier 2016, passant de 20 % à 5,5 %.  Une première étape, mais encore insuffisante. Certains pays, comme le Canada, l’Australie ou encore le Nigeria ne taxent pas du tout les protections menstruelles.

    Une autre proposition a fait parler d’elle cet été : la gratuité des protections hygiéniques. Alors, pour demander « la prise en charge des produits périodiques pour toutes les personnes menstruées », le collectif Ça va saigner appelait à tâcher « avec du vrai ou du faux sang » son pantalon, des sièges dans les transports en commun le 15 juin dernier.

     

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    Des initiatives en ce sens ont déjà lieu. Entre le 14 et le 17 janvier 2019, l’Université de Lille a distribué près de 30 000 kits de protections hygiéniques gratuitement sous présentation de la carte étudiante. Autre exemple : depuis avril 2018, la mutuelle étudiante LMDE s’est engagée à rembourser entre 20 et 25 € de protections hygiéniques par an à ses adhérent.e.s (femmes comme hommes). Pour en bénéficier, il suffit d’envoyer son ticket de caisse à la mutuelle. La LMDE a également mis en place des partenariats avec trois marques de protections menstruelles, avec des codes promotionnels.

    Pour la sociologue Marie Loison-Leruste la gratuité des protections hygiéniques pourrait être une solution. « De plus, comme pour beaucoup de politiques publiques, cela rendrait service non seulement aux femmes sans-abri, mais aux femmes en général également. Je pense à des jeunes filles qui vivent dans des milieux où avoir ses règles ne se dit pas et qui n’osent pas aller acheter des protections périodiques, par exemple. » C’est également pour parler de manière plus décomplexée des règles qu’Alexandra Maillet est fière de la boîte à dons de Règles Élémentaires, qui trône au milieu d’une salle au Buro des Possibles. « C’est une manière de rappeler qu’on ne choisit pas d’avoir ses règles, c’est quelque chose d’inné et, en 2019, il faut sortir du tabou des règles ! »

     

    Par Cypriane El-Chami


    En savoir plus :

    Pour donner des protections hygiéniques à l’association Règles Élémentaires, rendez-vous sur le site internet de Règles Élémentaires pour trouver un lieu de collecte près de chez vous.


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