Sommet international anti-plastique : Quels enjeux et solutions ?

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    Un sommet des Nations unies sur la pollution plastique a lieu à Paris du 29 mai au 2 juin. Des représentants de 175 pays ainsi que plusieurs ONG et associations y participent. Il s’agit de la 2ème session de négociations sur 5 prévues avant la création d’un traité.  Henri Bourgeois Costa, directeur des affaires publiques à la fondation Tara Océan, une organisation scientifique consacrée aux études des écosystèmes et de l’impact de la pollution sur la nature, nous éclaire sur ce sommet international. 

    Pourquoi ce sommet a-t-il lieu et pourquoi maintenant ? 

    En fait, il est le fruit d’un long travail de conviction d’un certain nombre d’acteurs dont font partie les scientifiques, sur le constat de l’importance de la pollution plastique en matière d’environnement et en matière de santé humaine. Il est également le fruit de l’engagement d’un grand nombre d’ONG qui ont, pendant plusieurs années, porté ce sujet au niveau du Secrétariat des Nations Unies pour l’environnement. C’est un vrai moment historique qui a été acté en mars dernier à Nairobi et qui a conduit l’Assemblée Générale des Nations Unies à donner un mandat au Secrétariat des Nations Unies en déploiement, de travailler à un texte contraignant qui s’attaque à la pollution plastique.

    Quelle est la plus-value de ce sommet face aux différentes COP précédentes ?

    Il n’y a pas encore de texte qui porte sur les plastiques. Il y a des textes qui portent sur le climat, sur les déchets et sur toute une série de problématiques, mais aucun texte ne s’attaque à la politique globale des plastiques. Et il faut rappeler que pour les plastiques, ce n’est pas qu’une question de déchets qui se pose, c’est une question d’environnement global qui est posée tout au long du cycle de vie des plastiques. On parle d’un des contributeurs majeurs du réchauffement de la planète et on évoque le chiffre de 15 à 17 % d’ici 2060. Ce sont également des problématiques de toxicité aiguë, de toxicité pour l’environnement, mais également de toxicité pour la santé humaine. Puis, ce sont des problématiques de plastiques qui se retrouvent dans l’environnement, dans l’air, dans l’eau, dans les sols, dans notre alimentation, et évidemment dans les océans.

    Pourquoi faut-il faire un traité international pour résoudre ces problèmes ?

    Tout simplement parce que c’est une problématique globale, donc on ne peut pas apporter une réponse qui soit une réponse uniquement locale. On voit bien la difficulté que cela pose à l’échelle locale. L’Europe a tenté de s’attaquer à ça, la France a tenté de s’attaquer à ça, mais en fait, dans un marché mondialisé où une partie des productions vient de l’autre bout du monde et où une partie des déchets est traitée à l’autre bout du monde, on ne peut pas imaginer une solution qui ne soit une solution que partielle. Il faut une solution globale et une vision globale de cette problématique.

    Comment ce sommet va contribuer à mettre en place des mesures suffisamment ambitieuses face à la réalité ? Quel est l’enjeu ?

    C’est tout ce qui se joue à partir du sommet de Paris et pendant les prochaines négociations qui vont s’étaler jusqu’à la fin de 2024, début 2025. En fait il y a plusieurs enjeux, il y a des enjeux de traitement du volume de plastique qui est produit. Le but est donc de réduire la quantité de plastique, et on espère que le traité répondra à cet enjeu-là. On attend aussi du traité de réduire la quantité de toxiques qui sont utilisés, puisque quand on parle de plastique, on parle d’une matière dans laquelle on va rajouter un certain nombre d’additifs chimiques. Il existe 12 000 additifs chimiques différents, et parmi ceux-ci, près d’un tiers sont problématiques pour la santé humaine et/ou pour l’environnement. On attend évidemment que des mécanismes financiers soient établis, puisque tout ça, ça aura un coût et l’accès à une politique vertueuse est évidemment plus difficile pour des pays du Sud, qui ont moins de moyens que les pays du Nord. Il y aura évidemment cette question de qui paye et qui est responsable. Pour nous, c’est évident que ce doivent être les producteurs et non pas les États. On n’a pas à faire payer les citoyens du Nord pour les dégâts causés par les industries.

    Selon vous, quelles sont les solutions pour réduire le plastique et comment on peut faire pour les mettre en œuvre ?

    Alors nous, on porte plusieurs éléments de réponse, ce sont évidemment des réponses qui sont toutes très complexes. Pour schématiser, il y a un premier enjeu qui est un enjeu de transparence, car aujourd’hui, on ne sait pas où sont utilisés les plastiques. On sait que 40 % des plastiques produits servent à l’usage unique, à l’emballage, mais tout le reste, les 60 %, on le maîtrise assez mal finalement. Il y a également un enjeu de transparence concernant ce qu’ils contiennent, c’est-à-dire, savoir avec quoi ils sont fabriqués et quels sont les additifs chimiques utilisés et quelle est leur fin de vie prévue. Puis, en termes de solution concernant cette pollution, la principale est basée sur l’économie circulaire. L’économie circulaire ce n’est pas que le recyclage, c’est avant tout la réduction des usages inutiles et des usages les plus problématiques. Donc, pour nous, elle passe par trois étapes, à commencer par la réduction des volumes via la limitation des monomères, qui est le produit de base avec lequel on fabrique le plastique. En réduisant la quantité de monomères, on réduit forcément la quantité de plastique qui sera produit, et donc la quantité de plastique qui risque de finir dans l’environnement.  En faisant ça, on va renchérir la matière, et donc ça permettra des solutions alternatives plus vertueuses de se déployer et de se développer.

    Ensuite, il faut une réduction des toxiques, ainsi, on attend que le traité dresse une liste blanche et une liste noire des additifs afin de savoir lesquels on peut utiliser de façon rassurante pour l’environnement et pour la santé humaine. Enfin, on attend une réduction des usages uniques avec un certain nombre de réductions des produits éphémères et emballages inutiles. Cela passe par l’instauration d’interdictions du plastique pour tel ou tel usage et par la promotion d’autres modes de distribution des produits. On peut envisager le sans emballage, ce qui est le plus vertueux.

    Et puis après il y a toute une série d’autres enjeux qui sont autour des alternatives qu’on va développer, donc il est important de ne pas transférer les impacts environnementaux d’un matériau, vers d’autres. Typiquement, si on remplace les plastiques d’aujourd’hui systématiquement par des cartons, on aura des impacts sur la biodiversité et les forêts qui vont être majeures. De même, si on remplace les plastiques de l’emballage par du verre, on va avoir des impacts carbones et des impacts sur les ressources en silice, en sable, qui vont être majeurs également. Puis, on gardera toujours un certain nombre de plastiques, parce que parfois, on ne sait pas les remplacer pour des usages très essentiels, et pour cela, il faudra envisager de la collecte, de l’élimination, du recyclage. Ce qu’on demande, c’est une évaluation indépendante et fiable des bénéfices-risques environnementaux et sanitaires de ces processus de traitement des déchets.

    Henri Bourgeois Costa ©Fondation Tara Océan

    Pour le plastique déjà présent dans la nature, y a-t-il des solutions de recyclage ?

    C’est une vraie question, effectivement le mandat de l’Assemblée Générale des Nations Unies donné sur ce texte porte également sur les plastiques qui sont dans l’environnement. Alors il faut être très clair, les plastiques qui sont dans l’environnement ne se recyclent pas, ils ne se recycleront pas. On a déjà beaucoup de mal à recycler des plastiques qui sont non souillés par les éléments naturels. On rappelle qu’un plastique qui est entraîné dans les océans est déjà très dégradé par les UV et contaminé par des sels. Et puis, c’est vraiment important d’avoir en tête que ce qui est dans l’environnement, c’est, pour l’essentiel du volume, des microplastiques, c’est-à-dire des plastiques inférieurs à 5 mm, donc ça ne se collecte pas. Il n’y a pas de solution pour les plastiques qui sont dans l’environnement. On peut envisager à la marge d’avoir des actions de collecte sur des sites spécifiques, mais on n’enlèvera pas le plastique qui est dans l’environnement. L’essentiel du plastique se retrouve dans les sols, dans l’air, ou dans la colonne d’eau, c’est-à-dire la profondeur de l’eau jusqu’au plancher océanique. Donc ce n’est finalement pas là qu’on va aller chercher les plastiques.

    “Aujourd’hui, si l’on met bout à bout toutes les perspectives de collecte, on est à quelques centaines de milliers de tonnes collectées par an dans le meilleur des cas, là où se déversent 35 millions de tonnes de déchets plastiques par année dans la nature, donc si on fait la proportion, on voit bien que l’urgence à agir, c’est bien de couper le robinet et non pas d’aller éponger ce qui est tombé par terre.” 

    Quel est le rôle de la fondation Tara Océan dans ce sommet, et plus globalement, quel est le poids des ONG et associations face aux lobbies ?

    La fondation Tara Océan a le statut spécial d’observateur mais, on ne fait pas qu’observer, on participe évidemment aux négociations bien qu’on ne participe pas aux négociations officielles portées par les États. On travaille de façon collective, je tiens à insister là-dessus, ce n’est pas la fondation Tara toute seule, on travaille avec un collectif d’ONG très important. L’idée, c’est d’accompagner les négociateurs vers les solutions les plus efficaces et les plus vertueuses. Le but est aussi de faire entendre les attentes très fortes de la société civile en matière de réduction de ces pollutions, et en matière de prise de conscience sur les enjeux sanitaires, alimentaires et sur les enjeux de carbone autour du plastique. On sait que les lobbies représentant la pétrochimie et les plasturgistes sont présents. Ils sont très actifs, ils s’initient fortement pour faire croire que la solution serait dans le recyclage et que la politique ne serait que celle des déchets, et nous, on est là évidemment pour faire entendre une voix différente.

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